Ce matin là, alors que j'attendais le train, une dame s'est approchée et a stoppé tout d'un coup voyant que j'occupais la place où elle avait l'habitude de patienter sur le quai, juste devant le deuxième panneau publicitaire, vers l'arrière du train. Elle était visiblement désemparée, perdue, en peine de savoir quoi faire, puis, doucement, s'est approchée autant que la courtoisie le lui permettait de la place où je me trouvais. J'avais affaire à une habituée !
Les habitués. Ceux qui se retrouvent toujours au même endroit du quai en attendant le train, ceux qui se retrouvent à deux, trois ou encore plus, dans la même voiture, sur la même banquette et bien sûr à la même heure le matin. Parfois même un ou plusieurs compagnons les rejoignent au fur et à mesure des stations.
Les habitués. Celui qui lit toujours le même journal, celui qui remplit son sempiternel sudoku ou ses mots-croisés. Celui qui se lève deux minutes avant l'arrêt en gare pour être sûr d'être un des premiers à sortir.
Ils sont beaucoup, ils se reconnaissent, parfois se saluent d'un léger signe de tête, souvent avec un regard quasi complice car l'autre habitué connait. Il sait, il respecte les habitudes de l'autre. On pourrait presque parler de solidarité, peut-être celle qui délie les langues pendant les grèves ou lors d'un incident.
C'est une sorte de clan, construit par la force des choses, qui rassure. On n'y entre pas si facilement, il faut du temps, le temps nécessaire pour observer avec quelques craintes le nouveau venu, celui qui peut vous bousculer ou, plus grand malheur encore, bousculer vos chères habitudes. L'habitué, l'élément stable de cette foule transportée, malmenée, dirigée. Ils servent de repères, comme des icônes, on finit par les reconnaitre et lorsque c'est le cas, nous ne sommes pas loin de faire partie de leur clan, du clan, de notre clan. Puis, rite de passage qui ne dit pas son nom, vous devenez un habitué lorsque les autres habitués ne sont plus inquiétés par votre présence. Vous faites partie du sérail, vous êtes passé de l'autre côté. Et bien sûr, vous observez avec méfiance les nouveaux venus …
Le train arrive, il faut que je me dépêche sinon je ne vais pas pouvoir prendre possession de ma place, sur ma banquette — le deuxième en partant du fond, à droite — de la dernière voiture du train de 8h27. Un nouveau-venu serait capable de me la prendre, le goujat !
1 De Guillaume -
je suis entièrement d'accord avec cette analyse des habitués. Je rajouterais juste une petite chose, les habitués ne sont en général pas très gentils, si vous prenez leur place vous vous faites foudroyer du regard ou bien presque agresser verbalement.
Je me suis fais une fois agressé verbalement par une vielle dame à qui j'avais pris sa place habituelle, je crois que si je ne m'étais pas levé pour changer de place elle en aurais pu venir aux mains !!!
Je modifierai une phrase de ton billet :
> Celui qui se lève deux minutes avant l'arrêt en gare et qui pousse et gène tout le monde pour être celui qui va ouvrir la porte
pourafin être sûr d'être un des premiers à sortir2 De Franck -
Guillaume, visiblement tu as une expérience un peu plus malheureuse que moi des habitués, surement parce que les lignes que je fréquente sont moins chargées — il y a de la place pour s'assoir quasiment partout.
Je n'ai pas observé comme toi de comportement agressif mais il faut peut-être mettre ça sur ma jeunesse (toute relative) en tant qu'usager !
3 De Lipki -
C'est rigolo, je me fessais la réflexion, il n'y a pas longtemps. Je vais au boulot en roller, et je ne croise jamais deux fois la même personne.
Mes habitués a mois, ce sont les SDF qui traine toujours sur le même trottoir le matin, et le résultat est le même.
Avec une différence quand même le bonjour est plus appuyer, vue qu'il demande implicitement quelque pièces.
4 De KaG -
Et les habitués ne se disent pas bonjour ?
(KaG-qui-a-oublié-comment-ça-se-passe-dans-les-grandes-villes)
5 De Franck -
Ben non, ils, nous ne nous disons pas bonjour ;-)
Ceci dit ils ont peut-être un signe de reconnaissance secret connus uniquement par les initiés ! Va savoir, je dois être encore trop novice pour ça …
6 De KaG -
Ici on se dit bonjour... Et, pire, on cause !
7 De Franck -
Quoi ? Tu plaisantes j'espère, quelle horreur : parler à un presque inconnu ! Quel manque d'éducation, de courtoisie, d'élégance …
Pfff, la province a encore bien à apprendre de la merveilleuse vie de banlieue !
D'ailleurs, depuis quelques mois, les jeunes nous montrent le chemin en faisant des veillées au coin de feux … de voiture, mais ils ne sont que ça sous la main les pauvres.
Il faudra tout de même que je fasse un petit voyage d'étude sociologique pour constater de visu ce curieux peuple du sud qui est si bavard ;-)
8 De claudine -
Très bonne analyse ... mais nous sommes habitués à des reportages de cette qualité sur la fourmillière humaine ... qui font sourire et réfléchir :-)