Je me souviens, alors que j'étais dans une colonie de vacances dans les Cévennes, qu'un des moniteurs avait pour habitude de nous dire le matin, au moment du départ en randonnée : Nous ne sommes plus que des petits points à l'horizon !
. J'ai toujours aimé cette manière de se donner un but, un objectif pour la marche à venir et tout naturellement cette phrase m'est restée. Depuis, à chaque fois que je parle de l'horizon, j'ai cette image qui me revient, une grande plaine et des collines, une montagne au loin et un col ou un sommet qui représente le point, l'objectif à atteindre. Une image où nous nous trouvons sur un chemin tracé ou imaginé, en mouvement, le regard portant uniquement vers ce point focal. Pour moi, l'horizon est un point — je pourrais dire était dorénavant —, les horizons sont des points. Points qui impliquent une distance, une durée, un futur pas encore atteint.
Au fil d'échanges récents, j'ai fini par comprendre que l'horizon ne portait pas cette signification pour tous, qu'il représente plutôt l'espace ouvert devant soi, avant même le premier pas, qu'il est synonyme de choix à faire, de libertés à découvrir, qu'il concerne le moment présent, immédiat. C'est très déroutant — dans le sens de la sortie de la route tracée — et enivrant. Les perspectives s'ouvrent, les questions se posent et elles n'appellent pas toutes des réponses. C'est une conception totalement différente de celle que j'avais jusqu'alors et qui n'implique pas forcément le mouvement hormis celui des yeux — en fait de tous les sens, de la pensée, de l'imagination — qui balayent et découvrent les possibles.
Il est étrange de constater comment une phrase répétée il y a de ça plusieurs décennies peut à ce point influencer sa façon d'envisager une idée, un concept. Il est étrange de constater comment un même mot peut porter des significations si dissemblables. La langue française est riche, riche de conventions, de sens communs et pourtant un même mot appris et utilisé ensuite peut porter un message complètement différent en fonction du vécu, du contexte, de la perception personnelle de la personne qui le prononce ou l'écrit. Est-ce un signe de pauvreté du langage maîtrisé ou bien de la langue elle-même ? Est-ce plutôt une qualité intrinsèque de ce mode de communication ? En attendant d'être capable de répondre à ces questions, je me suis endormi plus riche hier soir !
1 De samantdi -
Comme c'est intéressant, ce que tu dis là ! L'horizon, pour moi, est mystérieux comme si je marchais toujours dans une courbe, un virage sans visibilité. Je me demande ce qui va se trouver de l'autre côté du virage. Parfois c'est effrayant. En tout cas, je me sens toujours vigilante.
La vision de ton moniteur de colo, cette projection dans l'avenir qui annihile le présent (ou plutôt, fait qu'il devient effort vers... tension vers un futur hypothétique...) est à l'opposé de l mienne. Mais il faut dire aussi que je n'aime pas la randonnée, encore moins en montagne :-)
2 De femme -
pour moi l'horizon, c'est ce trait qui fait la séparation entre le ciel et la terre, le soleil et la mer il s'éloigne toujours, on ne peut l'atteindre... que le voir... c'est comme les étoiles... c'est un effet d'optique ! c'est irréel, éphémère, intouchable.
3 De mirovinben -
Devenir des points à l'horizon pour ceux qui sont restés là sans bouger... et qui deviennent, eux aussi, des points à l'horizon pour ceux qui sont partis.
Moralité : Nous sommes tous des points à l'horizon pour d'autres. Vertigineux, je trouve.
4 De gilsoub -
Comme tu dit que de définition ;-) pour moi l'horizon me donne juste la direction, ce, vers où je veux aller, toujours plus loins. Par définition l'on ne peut jamais l'atteindre, mais on le vois toujours ;-) Et il y a toujours un nouvel horizon ;-)
5 De gilda -
Je ne pense guère à l'horizon sauf quand j'admire un paysage ou que je songe à des photos. Peut-être que si je le faisais, ça ressemblerait beaucoup à la conception de Samantdi. En fait je suis quelqu'un qui essaie juste, jour après jour de faire un pas de plus. C'est vrai que ça fera 5 ans en novembre que ce pas de plus tend d'un point de vue professionnel vers une direction précise mais c'est quelqu'un d'autre qui me l'a indiquée et depuis je suis tombée dans une sorte de forêt sauvage d'autour le château de la belle au bois dormant, avec des dragons, plus aucun sentier et un lot de mauvais périls. Je ne sais (donc) pas si ça vaut pareil quand l'horizon par d'autres nous a été pointé.
En attendant, ne plus avoir de ligne au loin, vu de l'extérieur, te réussit très bien (nous n'avons pas eu au PC trop l'occasion de causer, mais ça fait deux fois que je voulais te le dire). Je crois que tu portais une charge bien trop lourde et qui horizon ou pas, t'empêchait d'avancer. Tu es fatigué du voyage, c'est évident, et traînes peut-être une vieille épouvante due aux épreuves passées et aux difficultés présentes, mais désormais marches le pas léger. Et ça se voit.
6 De Franck -
Comme quoi la langue n'est pas une science exacte et heureusement finalement car elle permet du coup quelques jeux qui seraient impossibles autrement.
Gilda, merci !
7 De peano -
L'horizon c'est comme l'avenir... Il est à venir !
" A force de marcher devant moi, je me suis retrouvé derrière moi ". ce sont les paroles d'une chanson de ? ( je ne m'en souviens plus.. )
Tant qu'à faire de réfléchir à notre évolution au cours d'une vie, j'aime la comparaison avec l'arbre : " petit il a de petite racines et s'épanouit avec de petites branches, ses racines s'enrichissent et ses branches en profitent et réciproquement car les branches par leurs feuilles enrichissent les racines "
Par nos réflexions ( effets de miroir ) et les réflexions des autres ( merci les blogs pourvu qu'ils soient fréquentés par des gens de bonne compagnie ) nous découvrons des horizons auxquels nous n'aurions jamais pensé tout seul.
Merci aux uns et aux autres de partager nos réflexions.
8 De Pierre Kubick -
L'horizon est inaccessible puisqu'il recule au fur et à mesure qu'on avance.
Mais il y a aussi l'horizon qui attire. En effet dans la théorie de la relativité générale "le terme d'horizon est utilisé pour désigner la région qui limite l'intérieur d'un trou noir donc aucun corps, lumière, ou information ne peut s'échapper classiquement".
Allons bon !
9 De Franck -
Moi qui en étais resté à la géométrie euclidienne, me voilà bien. Finalement le trou est une mauvaise idée comme ligne de mire, je crois que je vais faire demi-tour ! ;-)
Bref, j'ai l'impression qu'il y a autant d'interprétations de ce mot que de personnes pensantes.
10 De Agaagla -
Je ne dis rien parce que je suis épuisée, mais je me souviens de la beauté de l'horizon comme si je ne l'avais pas vu depuis longtemps (ce qui est objectivement faux). Je vais aller le regarder de nouveau, pour voir.