La boîte en fer blanc

Il y avait celle que ma grand-mère conservait, pour mettre le parmesan, dotée d’un double couvercle, le premier à gros trous et le second hermétique. Cela dit je me demande s’il n’était pas plutôt en aluminium.

Il y avait celle que mon grand-père avait pour ranger tous ses timbres, que j’avais pris le temps de trier un été, espérant secrètement trouver celui qui serait coté des dizaines de milliers de francs dans le guide que j’avais acquis à l’époque. Que nenni, il n’y avait que du tout venant à part peut-être ceux venant d’Allemagne avant la seconde guerre mondiale et qui valait des centaines de milliers de Deutschemark de l’époque, au moment de la grande dépression.

Il y a celle qui contient tous les boutons en vrac, rangée sur l’étagère, dans les toilettes, et qui prend la poussière depuis le temps. C’était celle qu’utilisait sa grand-mère, couturière, pour conserver son stock.

Aujourd’hui les boites sont quasiment toutes en plastique, plus ou moins transparentes, laissant à la vue de tous les trésors qu’elles contiennent. C’est beaucoup moins drôle !

On est assez mesquin avec les morts ; à peine le sont-ils qu’on les enferme dans des boîtes noires, bien fermées, puis dans la terre. On s’en débarrasse. Ou bien on les maquille, on les défigure, on les exposes aux pâles lueurs de l’électricité, on les transforme en les figeant. Il me semble qu’on devrait les exposer au soleil dix minutes, les mener au bord de la mer, s’ils l’ont aimée, leur offrir la terre, en fait, une dernière fois, avant qu’ils ne s’y mêlent à jamais. Mais non, on les punit de leur mort. Au mieux, leur joue-t-on un peu de Bach, de musique religieuse que généralement ils n’aimaient pas.

Françoise Sagan, Le Garde du coeur

Voilà, une boîte en fer blanc, posée ouverte sur un rocher au bord de la mer et basta, cette dispersion au vent ou à la marée m’ira très bien…

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