Curieux titre n'est-ce pas ? Non je n'ai pas fait d'erreur. Il fait suite à un billet de Kozlika qui nous raconte comment elle a vaillamment résisté pour respecter le choix de sa fille il y a quelques années.
Parent, un métier, un art, une succession de décisions murement réfléchies, n'est-ce pas ? Et bien non. Ce n'est rien de tout ça. Pour nous ce serait plutôt une succession de questions sans réponses, ou plutôt une succession de questions dont nous cherchons et fabriquons les réponses tous les jours. Pas facile. Bien sûr il y a l'intuition, qui aide, le bon sens qui soutient, et puis il y a surtout nos parents.
Nos parents. Comment faisaient-ils pour nous éduquer ? Vu de nos petits yeux de gamins, ils avaient l'air de savoir, de comprendre, ils étaient sans failles, omniscients ! Puis un jour, vous devenez papa ou maman, et vous comprenez que non. Les maîtres mots sont improvisation, intuition, bon-sens et amour. C'est tout. Il n'y a pas de manuel.
Il grandit, commence à exprimer des envies, forcément ce ne sont pas les vôtres et c'est là qu'il faut parfois se faire violence. Vous avez déjà imaginé un futur pour votre rejeton, forcément, et bien sûr, lui en imagine un autre et c'est à ce moment qu'il faut s'effacer, le laisser assumer ses choix et ne pas lui imposer les vôtres. Vous l'imaginiez prodige au piano, il veut faire de la batterie. Vous l'imaginiez champion de tennis, il veut faire du foot (et vous en avez horreur). Vous l'imaginiez hétéro et il est homo (ou l'inverse). Vous le vouliez premier de sa classe, pour être fier à la remise des prix en fin d'année — comment ça ? Ca n'existe plus ? Misère ! — et il passe son temps à rêver de voyage ou à dessiner sur ses cahiers. Bref, vous avez tout faux.
La plus grande tentation est de lui soumettre vos idées, et, comme l'a si bien écrit Kozlika, votre enfant, parce qu'il vous aime, cherchera à vous faire plaisir, hésitera à choisir entre ses envies et les vôtres. C'est pervers. C'est exactement la définition du mot pervers. Comment voulez-vous qu'il décide entre, vous faire plaisir et abandonner ses envies, et, se faire plaisir et vous faire de la peine ? Et c'est à ce moment précis que l'amour que l'on a pour lui nous fait abandonner la partie. Bien sûr qu'il fera ce qu'il vous voudra[1]. Bien sûr on fera ce qu'on peut pour qu'il évite de trébucher. Bien sûr on sera finalement heureux de le voir heureux. Comment faire autrement ?
C'est comme ça que je fais, c'est comme ça que nous faisons. Et c'est bien.
Notes
[1] Mon clavier a fourché, comme me l'a fait remarquer TiBen dans son commentaire. Lapsus ? Curieux en tout cas.
1 De claudine -
pervers ou : vers le père ? ( je trouve le titre du billet tout à fait judicieux ...
2 De tiBen -
"sûr qu'il fera ce qu'il vous voudra" en fin de texte
étant tout jeune papa, je commence déjà à saisir l'étendue de ces lignes, et je m'interroge sur la seconde partie de ce questionnement. Oui, il faut s'effacer, pour son bien, pour que l'enfant puisse assumer ses choix, mais encore faut il se persuader qu'il ne fonce pas dans le mur. A quel moment les parents doivent-ils reprendre les rennes, remettre des rails, et de quelles manières. L'improvisation est reine dans ce domaine, et chacun fait avec sa conscience, son expérience et surtout son vécu d'enfant.. une interminable boucle dirigée par une intuition familiale dérivant tout au long de l'arbre généalogique.
Et là, le biologiste ressort en se disant que si l'on suit cette logique, si certains parents font les mauvais choix, ont une mauvaise intuition, cela peut non seulement se répercuter à très courte échelle, mais aussi sur plusieurs générations, et entrainer toute une branche de l'arbre au fond du trou ..
ça laisse songeur d'avoir tout ce pouvoir entre les mains, toute cette responsabilité. Je me dis qu'avec ma femme, nous n'influons pas sur notre enfant, mais virtuellement sur des centaines de milliers de personnes à venir, tout au long des générations. où alors notre fils sera fils unique et homo, et là, il faudra qu'on ait un gouvernement ouvert d'esprit :-D
sur ces divagations, je vous laisse, et retourne rêver au regard de mon fils, ce matin en le sortant de se gigoteuse, les bras tendu vers son papa, tout souriant à l'idée de rejoindre la chaleur du sein de maman.. y a pas à dire, la vie est encore plus belle avec un petit bonhomme ! Merci franck
3 De Tomtom -
Très belle réflexion Franck, qui montre bien là toute l'étendue de l'amour que tu portes sur ton rejeton sans pour autant ne l'influencer dans ses choix.
C'est marrant mais mes parents, et il y a pas s'y longtemps, m'ont dit, presque mot pour mot, la même chose que toi, qu'ils étaient souvent dans le flou essayant tant bien que mal à prendre leurs meilleures décisions pour moi tout en me laissant assumer mes choix. C'est, je pense, la meilleure preuve, que nos parents nous aiment qu'ils veulent simplement qu'on soit heureux même si, à moment, c'est eux qui décident à notre place.
4 De Franck -
TiBen, j'ai effectivement écrit
! Sans m'en apercevoir. Curieux, non ? Je lutte, je lutte ;-)5 De Kozlika -
Franck, je rouvre mes tb le temps que tu puisse en faire un vers mon billet ? (c'est la fête du spam aujourd'hui :'( )
Enfin si ça te dit !
6 De Franck -
Merci c'est gentil ça ;-)
7 De Luc -
Ne pas influencer nos enfants je suis bien d'accord!
Mais notre façon de vivre, de penser à nous parents (les végétariens, les homos (ou le contraire), les révoltés, les introvertis et j'en passe) influence forcement nos enfants qui calquent leurs façon de penser!
Alors s'il n'y a pas de révolte de l'enfant envers les parents, je pense qu'ils auront une vie proche de la vie de leurs parents avec quand même une touche personnelle!
J'ai bien dit, je pense car mes enfants n'ayant que 3 et 6 ans, j'ai encore un peu le temps de voir venir tout ça!
...quoi que!
8 De Franck -
Bien sûr qu'on les influence, on leur sert de référence, au moins pendant la première dizaine d'années, après je n'en sais rien (mais je vous tiendrai au courant).
Quand tu dis, Luc, que tu as encore le temps de voir venir, pas si sûr, le mien a 7 ans et commence à avoir des envies personnelles qui divergent de celles que je pourrai avoir pour lui ! Ca va vite, ils grandissent très vite …
9 De la belle bleue -
Vous avez encore des petits enfants. Toutes ces questions restent valables longtemps. On essaie de faire de son mieux et puis arrive la Terminale, et l'heure du choix des études a sonné, et avec lui le départ de la maison... Chez nous, ni les parents ni l'ado concerné ne sont très pressés d'arriver à cette séparation. J'ai dû lui expliquer qu'on ne le mettait pas à la porte et que l'envie de partir lui viendrait progressivement. Ou plutôt l'envie de revenir seulement de temps en temps. Il était sceptique. Mes collègues ont des fils de 22 ans qui, étudiant pour l'un ou jeune travailleur pour l'autre, sont revenus s'installer chez papamaman.
Quant à l'influence sur les choix d'études, c'est vrai qu'elle n'est pas négligeable. Comme notre "petit" est parti pour faire ce qu'on avait plus ou moins prévu pour lui, je me demande s'il n'a pas été formaté depuis longtemps... Peut-être serait-il prêt à entamer des études de médecine si on lui avait seriné depuis toujours qu'il serait médecin ?
A tous ceux qui se posent des questions sur l'influence des parents sur leur progéniture, je recommande la lecture du livre de Judith Rich Harris : "Pourquoi nos enfants deviennent ce qu'ils sont" (Pocket n°10932). Elle émet des hypothèses intéressantes.