(suite du chapitre 3)
Nous voilà arrivés dans la province d'Ulsan, au bord de la mer, vers une heure du matin vu l'heure tardive à laquelle nous étions parti la veille au soir. Une sorte de petit village de pêcheur, assez pauvre, qui pourrait dater du siècle dernier s'il n'y avait pas tous ces fils électriques qui courent d'une maison à l'autre. L'ennui fatigue, en tout cas pour moi. J'avais passé une petite partie du voyage à discuter avec les autres occupants du véhicules et le reste du temps à essayer de monter un plan pour ma présentation. Seulement voilà, j'avais du mal à me concentrer sur le sujet, les coréens ayant la fâcheuse habitude de parler plutôt fort dans leur langue natale alors que ce n'était pas le cas lorsqu'ils s'exprimaient en anglais. Curieux.
Nous voilà donc à destination, enfin c'est ce que je croyais, lorsque je les ai vus ce diriger à pied vers un petit estaminet au détour d'une rue tout en m'invitant à les suivre. Nous entrons et nous nous retrouvons dans une petite pièce faite de bric et de broc, recouverte d'une tôle ondulée qui avait du être transparente et qui depuis avait été recouverte par ce que je pense être des chiures de mouche. Appétissant n'est-ce pas ? Tout le monde s'assoit, d'autres arrivent, j'apprendrais plus tard que beaucoup seront présents pendant ma présentation le lendemain matin et une vieille dame commence à prendre les commandes. Enfin, c'est ce que je crois avoir compris. Elle se dirige ensuite vers un vieux frigo qui ronflait dans un coin, en sors une caisse de Soju, une sorte de bière fabriquée à base de soja (je crois), nous la dépose à côté de la vieille table en formica et retourne ensuite vers un petit réchaud à gaz dans le coin de la pièce. Elle sort une grande poêle, aussi douteuse que le toit, la pose sur le gaz qu'elle avait préalablement allumé, y jette une sorte de matière grasse et y casse un grand nombre d'oeufs. Elle attrape ensuite une fourchette[1] et commence à battre ce qui deviendra une omelette qu'elle nous servira ensuite en posant la poêle à même la table et en nous équipant de baguettes. Cette vieille femme, à qui je ne pourrais pas donner d'âge, paraissait très pauvre et visiblement subvenait à ses besoins grâce à ce petit commerce. Erreur ! J'appris plus tard, que la plupart des maisons et des terrains environnants lui appartenait !
Nous avons passé deux heures dans cette pièce, à échanger de manière rituelle les petits verres de soju, jusqu'à ce que tout le monde soit à peu près saoul ou peu s'en faut. Nous n'avions pas bu tant que ça, mais il faut savoir que les coréens (et les japonais) supportent très mal l'alcool et sont rapidement dans un état que la morale réprouve. Heureusement, à cet heure de la nuit, plus personne n'avait l'air d'éprouver le moindre remord d'être dans un tel état. Nous saluons la vieille dame, alors qu'il est à peu près trois heures du matin, que je n'ai toujours pas préparé mon support de présentation pour le lendemain, et que je commence à avoir les yeux qui se ferment naturellement. Nous irons ensuite dormir, dans un appartement situé non loin, loué à l'année par l'institut, et qui fait office d'hôtel[2] en fonction des besoins. On m'attribue d'office la grande chambre, malgré mes protestations, alors que les autres (nous sommes huit à ce moment là) iront s'installer qui dans le salon, qui dans la petite chambre, à même le sol — le canapé est reservé au chef bien sûr, la hiérarchie est respectée ! Je me souviens m'être dis qu'il fallait que je prépare un petit powerpoint au moment où j'ai fermé les yeux.
… à suivre …
1 De Lo -
J'ai travaillé plusieurs années avec des coréens lorsque je bossais dans ma grande multinationale de l'informatique à deux lettres. Avec des coréens, des taiwanais, des malaisiens, des japonais et des chinois. Ils sont tous différents, et c'était un des intérêts de mon boulot d'alors que de pouvoir cotoyer ces autres cultures, ces autres comportements. Ce qui m'avait frappé chez les coréens, c'était leur dévotion à la hiérarchie, tout autant que les japonais, voire plus parfois, et du coup, leur capacité à se lâcher grave en dehors du boulot : l'alcool bien sûr, mais aussi quelques soirées un peu particulières où ces messieurs (effectivement, peu d'éléments féminins) invitaient à leur table quelques créatures aux atouts aguichants. La suite pouvait bien partir en vrille... Mais plus étonnant encore, c'est leur capacité de régénération : ils arrivent au boulot le lendemain matin frais et dispos, alors que vous, vous essayez simplement de tenir les yeux ouverts en ayant bu un dizième de ce qu'ils ont bu. Il semblerait que ce soit du à de petites fioles de liquide verdâtre qu'ils ingurgitent les lendemains d'excès pour s'éviter la gueule de bois.
2 De Franck -
C'est effectivement ce qu'il s'est passé. Tout le monde était frais et dispo, sauf moi qui était encore bien fatigué. Curieux. Il faudra que je pose la question est de ces jours à un de mes collègues coréens.