Mon parrain de cœur

Un jour, c'était il y a pas loin de vingt ans, nous avons décidé de nous marier. Ma future femme avait fait une promesse à son défunt grand-père qu'elle souhaitait tenir : Faire un mariage religieux à l'église de Vichy qu'il adorait. Pour cela j'ai pensé qu'il fallait que je me fasse baptiser et j'ai alors choisi un parrain et une marraine pour l'occasion. Il s'avère que je n'ai pas eu besoin d'un baptême — une simple dérogation de l'évêché a suffit — pour célébrer les noces.

Depuis ce temps, ils sont restés ceux que j'appelle mes parrain et marraine de cœur. On ne se voit pas souvent, mais à chaque fois avec grand plaisir. On ne se parle pas beaucoup, mais à chaque fois avec grand respect.

Depuis quelques jours, il faut que je parle de lui au passé car il est parti faire un long et définitif voyage. Dommage …

Il avait un don pour la gastronomie et nous avions le don d'apprécier ce qu'il cuisinait. J'ai encore sur le palais le goût de son poulet crapaudine ou de ses crêpes suzette, ou encore de ses petites tomates provençales ou de sa bouillabaisse et de sa soupe de poissons dont il ne laissait à personne le soin de préparer les sauces. J'ai encore le souvenir du goût pimenté de sa rouille et de la douceur de sa béarnaise lorsqu'il nous gratifiait d'une fondue bourguignonne à sa façon.

C'est lui qui s'était chargé d'une partie de mon repas de mariage où il nous avait enchanté d'une sauce de son invention pour accompagner le poisson. Un mélange de bisque de homard, de langoustines et d'autres ingrédients dont je n'ai jamais bien su la liste ni les proportions. Je me souviens encore ce jour là, alors que nous étions affairés à toutes les préparations qui précèdent les festivités, avoir appris qu'il avait jeté tout ce qu'il avait préparé la veille, estimant que ce n'était pas assez bien, pour tout recommencer le jour même — et nous étions plus d'une quarantaine. Quel fumet !

J'adorais passer chez lui et m'entendre proposer un diner ou un déjeuner pour un des jours suivants. Il me demandait souvent de quoi j'avais envie et à chaque fois j'avais du mal à choisir, mais toujours c'était Byzance ! Assurément comme un jour de fête.

Voilà celui qui était un maître queux, celui qui est mon parrain de cœur.

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