L'enfant n'est pas un adulte
. Digne de Lapalisse n'est-ce pas ? Alors pourquoi le redire ? Simplement parce que nous les adultes avons parfois — moi le premier — tendance à attendre d'eux un comportement adulte et responsable. Seulement voilà, ils n'en font parfois qu'à leur tête en se foutant royalement des conséquences.
Une question me taraude depuis quelques jours : comment faire comprendre les enjeux d'un tel comportement à un gamin de huit ans ? Comment lui mettre en perspective son attitude actuelle et ses conséquences sur son futur à plus ou moins long terme ? Alors qu'il n'a en tête que l'heure à laquelle il pourra aller jouer avec ses petites voitures ou sa console ?
Il est dans une situation compliquée dont il n'appréhende pas l'étendue. Nous nous démenons depuis quelques années pour qu'il suive un cursus scolaire normal, en lui apportant tout le soutien possible et imaginable — et il faut souvent jongler avec sa capacité à être ou a vouloir être aidé — et en bousculant souvent le train-train des enseignants qui s'en occupent. Tout ça est très bien, d'ailleurs comment faire plus ? Mais tout cela n'est que de la théorie. Il s'agit d'un enfant de huit ans, qui a ses envies, ses coups de blues, sa maladie et ses conséquences à (sup)porter. À son age on a envie de jouer, d'apprendre un peu mais certainement pas dans la douleur, et nous avons tendance à l'oublier.
Depuis la rentrée il a la tête ailleurs. Pas qu'il ne comprenne pas les leçons, pas qu'il ne trouve ça difficile — j'ai plutôt l'impression du contraire quand je l'interroge, il a simplement la tête ailleurs. Bien sûr il dit qu'il a bien travaillé lorsqu'il rentre de l'école mais nous nous apercevons vite qu'il n'en est rien et bien sûr, parce que nous comprenons rapidement ce que cela signifie, nous nous mettons en rogne. Cela nous met dans une posture compliquée vis à vis des autres. Comment demander une attention particulière, un aménagement de ses temps d'apprentissage alors qu'il n'est pas là, alors qu'il n'en profite pas ? Les bonnes volontés vont rapidement s'essoufler dans ces conditions.
Se pose également le problème des alternatives à l'école où il se trouve en ce moment. Il y a bien les CLIS mais elles sont réservées en priorité aux plus lourdement handicapés, il y a bien les AVS mais on peine déjà à en avoir pour des cas beaucoup plus compliqués, il y a bien les écoles privées mais elles sont largement hors de portée d'un point de vue financier. J'ai du mal à entrevoir un début de solution à part bien sûr celle qui impliquerait qu'il décidât de se mettre au travail !
Je ne pensais décidément pas qu'il fut si difficile d'élever et d'éduquer un enfant !
1 De Lipki -
> (...) comment faire comprendre les enjeux d'un tel comportement à un gamin de huit ans ?
Tu peut pas, on peut pas! Il est vain d'essayer, et même pire il est dangereux d'essayer, un enfant qui comprend les conséquences de ces attitudes, n'est plus un enfant.
C'est a toi en tant que parent de prend la responsabilité de tous ce qu'il, fait. Tu peut lui expliquer les conséquence immédiate, mais jamais tu lui fera comprendre les conséquence a long terme.
Essaye de comprendre ce qui le fait rêver, en ce moment, et plus dur, essaye de rendre les cours intéressant, les profs ne le ferons pas pour toi.
> (...) à part bien sûr celle qui impliquerait qu'il décidât de se mettre au travail !
Il faut qu'il ce mette au travail, il n'y a pas d'autre solution pour sont avenir.
Bonne chance, c'est génial d'être papa, profite en.
2 De Akynou -
Je connais bien ce sentiment. Je l'ai vécu pour d'autres raisons avec ma deuxième fille qui a fait un blocage scolaire pendant quasi deux ans.
je crois qu'il faut que tu continues à tenir à ton fils un discours cohérent, y compris en lui parlant d'avenir. Même s'il n'en prend pas toute la mesure maintenant, il y aura un moment où ça fera tilt. Mais essaie de trouver des arguments à court ou moyen terme aussi. quand tu seras grand... C'est loin. quand tu seras un ado, c'est déjà plus proche, surtout s'il y en a dans son entourage...
Et puis il faut être patient (mais tu as le droit aussi de te mettre en rogne, nous humain, nous pas robot parents sans cœur et sans émotions, et puis c'est aussi le confronter au principe de réalité). te dire que s'il met deux ans à faire ce que les autres font en un, c'est pas grave. L'important, c'est qu'il y arrive.
se mettre au travail oui, mais à son rythme. Ce n'est pas parce qu'un enfant met plus de temps à parcourir le chemin qu'il n'a plus d'avenir.
3 De Franck -
En effet, seulement il ne va pas moins vite, il s'est tout simplement arrêté ! Pour tout dire, je me demande s'il faut qu'on cherche à lui obtenir un statut handicapé afin d'ouvrir (si possible) les portes d'une CLIS pour lui tout en sachant que le retour vers un cursus normal est extrêmement aléatoire, et que ce nouveau statut risque de l'encombrer définitivement — voire le pénaliser lourdement — pour le futur.
4 De Saperli -
l'important n'est-il pas que cet enfant garde sa joie de vivre, en tout cas de jouer ? Tu dis "Nous nous démenons depuis quelques années pour qu'il suive un cursus scolaire normal, en lui apportant tout le soutien possible et imaginable", mais n'est-ce pas votre projection dans le futur qui te fait penser qu'il va échouer ? Il n'est peut-être pas prêt à travailler maintenant, à cause de la souffrance qu'il a déjà vécu. C'est important en effet que l'enfant ait le message qu'il doit apprendre des choses, mais ne devriez-vous pas vous fixer des objectifs très modestes, afin de ne pas le mettre en échec ? C'est en ça que la CLIS peut être utile. Mieux vaut aller lentement en CLIS, pour son avenir...
5 De Akynou -
garance aussi s'était arrêtée. Presque deux ans. et je peux te dire que j'ai trouvé le temps long. et puis c'est reparti. Ne prenez pas de décisions hâtives. parlez parlez avec l'enseignant, ne le lâchez pas lui, pour qu'il ne lâche pas ton fils. Ton petit repartira forcément un jour. Il lui faut du temps.
6 De Franck -
J'ai tout de même l'impression d'un formidable gâchis alors qu'il en a toutes les capacités intellectuelles. Dommage, vraiment dommge …
7 De TaD -
Bonjour,
Il y a bien longtemps, ce type de problématique faisait l'objet d'un dossier dans Courrier International.
Je reprends vos questions car elles sont fondamentales, d'ailleurs, les remarques de Lipki sont très justes : "comment faire comprendre les enjeux d'un tel comportement à un gamin de huit ans ? Comment lui mettre en perspective son attitude actuel et ses conséquences sur son futur à plus ou moins long terme ? Alors qu'il n'a en tête que l'heure à laquelle il pourra aller jouer avec ses petites voitures ou sa console ?"
Des chercheurs américains ont montré, grâce notamment à l'imagerie dynamique faite sur le cerveau d'une population jeune, individus âgés de moins 25 ans, qu'ils ne sont physiologiquement pas capables d'assimiler ce que vous leur reprochez, et ce qu'à travers vos attentes vous leur demandez.
Pourquoi ? Parce que le cerveau de l'être humain, et particulièrement le lobe frontal, est en constante formation jusqu'à l'âge de 25 ans. CQFD.
Quand le temps me le permettra, je vous ferai passer les sources de ce dossier fort intéressant.
TaD.
PS : je suis deux fois jeune papa, je pense que nous nous posons tous les mêmes questions. Pour moi, la seul bonne réponse est l'amour.
8 De Akynou -
Mais non, pas de gâchis. Quel gâchis... que crains-tu ? Qu'on te le repproche par la suite ? Et combien même...
Il ne reçoit que ce dont il a besoin, ce qui est nécessaire pour qu'il évolue à son rythme. Il en a le droit. Nous avons le devoir de lui donner ce droit.
Aucun enfant ne ressemble à un autre et chacun a le droit de vivre tel qu'il est.
9 De mirovinben -
Ce qui est le plus difficile, en tant que parent(s), c'est d'admettre que l'avenir ne sera certainement pas comme prévu et que, peut-être, un début de chemin en porte-à-faux voir décalé peut déboucher sur un futur radieux.
Et tout le problème et/ou l'inquiétude de parent(s) attentif(s) est dans ce "peut-être".
Un redoublement de classe, une pause pour mieux rebondir... pari risqué mais quoi faire d'autre ?
Comme disait mon père face à mon parcours scolaire bien différent de ce qu'il souhaitait : "on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif !"
Mais c'est très intelligent, un âne...
10 De gilda -
Je n'ai que deux éléments fragiles à apporter à la conversation, venant de mon expérience de maman d'enfant atteint d'une maladie chronique (mais beaucoup plus tard que ton fiston) et de mes lointains souvenirs d'enfance. Ce ne sont donc que des pistes possibles, sans plus, mais je sais que quand un problème de cet ordre nous saisit, parfois une idée ou un soulagement peuvent venir d'une dérivation issue d'une hypothèse qui n'est pas forcément la bonne.
- Quand ma fille est tombée malade, les premiers temps je ne supportais pas de la voir se vautrer devant les pires niaiseries télévisuelles dans les moments de mieux (quand elle allait mal je comprenais très bien) ; je me disais qu'elle avait tous ces cours (elle était en seconde) à rattraper, qu'elle aurait dû profiter de chaque instant de répit pour foncer. Sauf que ce n'était pas parce qu'elle était malade qu'elle n'avait pas 15 ans, envie comme ses camarades de classe de voir ces bêtises dont ils papotaient ensuite entre eux, probablement quelque chose qui chez un petit plus jeune se serait traduit par l'envie de jouer et basta. C'est aussi un peu comme si la maladie et les traitements pompaient à eux seuls toute l'énergie de sérieux et de grave, et qu'il y avait donc un immense besoin de détente supplémentaire.
- Peut-être aussi qu'il en a marre de se sentir centre d'une attention particulière en classe ou du moins de discussions ou bref que sa présence là-bas pose un problème qu'il n'y est pas tout à fait comme les autres. Alors il essaie de s'y faire le plus inexistant possible, un peu sur un mode, si je n'y fait rien, peut-être que je n'y serai pas, ou qu'ils ne verront pas que j'y suis. Pourquoi je dis ça ? J'ai eu gamine le problème inverse, j'étais trop bonne en classe et sans efforts spécifiques, j'aimais apprendre. Il m'est arrivé de "laisser (un peu) filer", pour qu'ils me lâchent un peu, les adultes, et tenter de me rapprocher de mes camarades dont certains avaient un peu tendance à me considérer comme un(e) extra-terrestre. Je me sentais très mal à l'aise quand l'instit prenait du temps exprès pour moi, par exemple pour m'occuper un peu en m'expliquant un exercice supplémentaire pendant que les autres finissaient leurs travaux. Je ne supportais pas que tout le monde se tourne vers moi comme vers une pas-pareille. Je ne me suis vraiment épanouie qu'en CM1- CM2 parce que la maîtresse acceptait qu'enrhumés on ne sorte pas en récré l'hiver (comme je l'étais sans arrêt, je sortais peu) et qu'en plus on puisse rester en classe afin de fouiller dans dictionnaires et encyclopédies pour préparer des exposés qu'on présentait après, ou bien des scènes de pièces de théâtre (j'en connais encore par coeur 30 ans après). Résultat j'avais ma dose de truc à apprendre, et pendant les heures de classe normales elles ne me distingait pas des autres, j'étais traitée pareil, je pouvais me lâcher à être bonne sans qu'elle vienne s'extasier. Peut-être que la panne totale de ton fiston procède d'un même point de départ : à savoir ne pas supporter d'être pas tout à fait comme tout le monde pour ce qui est de suivre en classe et qu'il s'en abstrait pour ne pas y être. Peut-être même que votre propre attention de parents lui pèse au point qu'il tente de s'abraire encore davantage de l'univers scolaire qui pose ce problème.
Enfin, s'il n'a pas eu de crise depuis longtemps, se souvient-il vraiment de pourquoi il doit prendre des médicaments, de pourquoi ça n'est pas pour lui comme pour tout le monde ? Ne serait-ce pas devenu nébuleux pour lui (même si vous lui expliquez, s'il ne sait plus "l'effet que ça fait", pour un petit un danger théorique est difficilement un danger) et donc inexplicable pour lui de se trouver le centre d'un problème spécifique ?
Tant qu'il n'aura pas attrapé une envie d'apprendre qui viendrait de lui-même, école ou pas école, ça risque d'être dur.
11 De Franck -
mirovinben, je n'ai aucun a priori sur ce qu'il fera plus tard (ni d'ailleurs sur un redoublement ou n'importe quoi d'autre), la seule chose qui m'importe est que je ne veux pas qu'on le place sur une voie d'où il aurait les pires difficultés à en sortir.
gilda, merci pour ce témoignage et je pense que tu as tout à fait raison en ce qui concerne sa lassitude vis-à-vis de son traitement, n'importe qui le serait à moins lorsqu'on sait que cela fait cinq ans qu'il prends ses médicaments tous les jours et qu'il n'a pas eu de crise depuis deux ans et demi. Je pense qu'il y a effectivement un blocage (je n'aime pas trop ce terme mais bon) qui l'amène à ne rien faire car curieusement à la maison il est tout à fait capable de faire ses devoirs quasiment seul et sans erreurs.
12 De brol -
@ mirovinben : je comprends enfin les affinités qui te font revenir chez moi (redoublant chronique) ;-)
@ Franck : je rejoins assez l'avis de gilda. Il me semble que posséder une spécificité quand on est gosse est toujours à double tranchant, avec des passages successifs entre honte et fierté, malheureux et bienheureux de ce statut particulier. Que ça soit auprès des camarades, des personnels de l'école ou même de nos propres parents.
Concernant l'envie d'apprendre, quel joie que de se rendre compte qu'elle peut débouler n'importe quand et être forte ;-)
(Je t'accorde que c'est flippant aussi de se dire "mais quand va-t-elle arriver ?!)
13 De Mika -
Je ne peux que t'encourager à discuter et rediscuter avec l'enseignant. Les aides possibles sont tellement nombreuses que tous les collègues ne les connaissent pas. Sache qu'il y a des personnes ressources malgré tout. Depuis la loi sur la scolarisation des enfants handicapés, des enseignants référents existent pour aider et accompagner les familles. Pour l'heure, je ne suis pas persuadé que dans ton cas la reconnaissance du handicap soit fondamentale. Il faut en parler, envisager des alternatives (RASED ? ASEH ?).
Il faut aussi prendre le temps d'attendre. Chaque rentrée est un nouveau départ...
14 De Franck -
Brol, des fois c'est flippant, comme tu dis !
Mika, merci pour les conseils
15 De brol -
Moi, ma spécificité a été de tout redoubler avec une belle régularité mes classes de la 3ème jusqu'au bac (que je n'ai d'ailleurs pas eu). En gros, je produisais le minimum d'effort pour passer en classe supérieure un an sur deux.
Dis ainsi, c'est lamentablement minable, et pour mes parents, je pense qu'ils n'ont pu être que désappointés et furieux que je n'en fasse pas plus.
Sauf qu'à cette époque (oui, je sais ça représente 8 ans quand même), ma seule préoccupation quasi quotidienne était : je vis ? je ne vis pas ? je me bats ? je ne me bats pas ? je me suicide ? je ne me suicide pas ?
Alors, les devoirs, les conneries scolaires, évidemment je n'en avais absolument rien à faire !
J'en suis sorti, enfin plutôt, j'ai eu un détonnateur le jour de mes 18 ans (j'étais alors -encore !- en seconde seconde a priori) en m'offrant une dépression nerveuse qui m'occupa un certain temps... sic.
Ce n'est que très récemment que mes parents ont accepté reconnaître que j'avais fait une dépression nerveuse, tout un temps j'eus droit à l'excuse bien proprète du problème de santé n'ayant rien à voir avec la chose psychologique...
Bon, pourquoi je te raconte cela ?
Il me semble que ce dont j'ai le plus souffert durant toute cette -longue- période a été la non-reconnaissance par mes parents que je vivais quelque chose de dur et que même s'il n'était pas dans leur capacité de l'appréhender, ils étaient insultants qu'ils le mettent en doute. Le pire que j'ai pu jamais vivre est d'avoir le sentiment (que celui-ci soit une réalité ou non importe absolument pas puisqu'il est vécu par le sujet comme réel) d'avoir été nié, ou d'avoir vue ma souffrance comparée à d'autres ("machin a le cancer, lui il a droit de se plaindre parce qu'il souffre").
Bref, tout ça pour dire que la lenteur n'est pas synonyme de crétinerie, et que même sans connaître ton fiston, moi j'ai le sentiment bien ancré que ce n'est pas la moitié d'un con.
16 De Franck -
brol, je prends le plus grand soin à tenir compte de ses souffrances — je passe le plus clair de mon temps à essayer de me mettre à sa place et d'imaginer comment il peut le vivre.
D'autre part, tu as raison, il n'est pas la moitié d'un con ! Il est lent mais c'est un champion du monde mon fils, nanmého \\o/
17 De brol -
Je n'ai pas dit que tu ne le prenais pas en compte... nanmého !
L'idée qui me vient en lisant ta réponse est qu'il me semble que, même si oui cette foutue maladie est bouffeuse de place, elle ne résume pas ton fiston. La prendre en compte dans la prise en compte de fiston, oui, lui donner trop de place, non.
Bref, je ne suis pas parent, ne le serai probablement jamais (à chacun ses souffrances), et cela se voit. Je ne sais que dire, sauf que souffrir, c'est une belle saloperie.
18 De Franck -
Il n'y a aucun malentendu et je suis tellement d'accord avec toi que j'avais déjà écrit il y a quelques temps un billet sur la place de la maladie ;-)
19 De brol -
Je sais, ce n'est pas parce que je ne commente pas que je ne lis pas. :)