L'écrin

C'est une petite boutique devant laquelle je passe tous les jours lorsque je rentre chez moi avec le bus. Elle est coincée entre un bureau d'architecte et une porte cochère derrière laquelle s'abrite une société immobilière. La devanture est usée, les dorures sont fanées, on aperçoit le vieux métal oxydé derrière les lettres au dessus de la porte vitrée. L'écrin n'a plus l'éclat de sa jeunesse.

Lui, âgé, porte une loupe binoculaire sur le front. Il travaille doucement devant son établi éclairé par une lampe à l'éclat violent. Il est économe de ses gestes, il ne bouge presque pas. Elle, encore plus âgée, encore plus voûtée, attend les rares clients et s'emploie à dépoussiérer avec un grand plumeau les réveils et les horloges qui dorment dans la vitrine. Ses gestes sont un peu plus maladroits, elle a du mal et doit se concentrer pour ne pas bousculer l'agencement des objets dans la vitrine. Ils sont nés d'un autre temps, d'un temps qui s'oublie, un temps qui se fait rare. Celui où il n'était pas compté, pas encore.

Je les observe tous les jours sauf le lundi, jour de fermeture hebdomadaire. Ils répètent inlassablement les mêmes gestes. Souvent elle est assise dans un coin de la boutique, elle observe son mari puis tourne la tête pour observer cet autobus qui rompt la monotonie du paysage, qui tranche sur la façade grise de l'immeuble d'en face. Parfois, c'est rare, un client est dans la boutique, visiblement pour faire réparer une montre, un bijou ou une horloge. Le contenu de la petite vitrine a depuis longtemps cessé de plaire, d'attirer les convoitises.

Je me demande souvent comment ils font pour vivre, pour en vivre. Ils ont largement passé l'âge de la retraite, celle des salariés. Ont-ils eu une période faste et suffisamment de bon sens pour se constituer une cagnotte ou vendent-ils leurs stocks à perte au fur et à mesure ? Un jour, je passerai devant la devanture fermée, et ce ne sera pas un lundi. Une histoire qui s'effacera doucement comme tant d'autres.

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