La sortie

Ils ne sont pas loin d'une trentaine, regroupés sur le quai de la gare. De temps en temps ils sont là le matin, surtout quand, ayant raté mon train habituel, je prends celui de 9h13. Aucun risque de ne pas les voir, de ne pas les entendre. Ça parle, ça bouge dans tous les sens, l'ensemble est bruyant. Ils ont réquisitionné une bonne partie du quai juste derrière les tourniquets. Pourtant il y a de la place, mais ils préfèrent rester là, n'ayant fait que quelques mètres une fois validés leurs tickets.

La plupart d'entre eux porte un petit sac à dos, que je suppose rempli de leur goûter ou de leur repas du midi. Ils sont habillés pour faire face aux intempéries, heureusement car souvent le temps n'est pas au rendez-vous avec cet hiver un peu particulier où on a droit à une succession de périodes froides ou pluvieuses, parfois les deux en même temps. Le soleil en tout cas n'est pas du voyage, c'est évident.

Je me plais à imaginer leur destination, un musée ou une sortie en forêt, une exposition ou un atelier qui sort de l'ordinaire. Je me souviens que gamin j'adorais ces sorties qui nous emmenaient loin de notre quotidien d'élèves studieux ou paresseux. Je me souviens l'excitation de la veille au soir au moment de ce coucher en pensant à tout ce qu'on verrait de nouveau et d'extraordinaire le lendemain, en commençant par le voyage qui m'apparaissait comme une petite aventure. Je n'ai pas toujours apprécié comme je l'aurais fait aujourd'hui le thème choisi mais qu'importe puisque ça me sortait de l'école — n'allez pas croire que j'étais un cancre, bien au contraire, j'adorais apprendre.

Des petits groupes se sont formés en attendant le train qui ne va pas tarder à arriver. Ce qui m'étonne c'est la mixité. Les garçons et les filles sont mélangés et discutent vivement. Ce qui m'étonne aussi c'est l'absence d'écouteurs dans les oreilles, sauf un ou deux qui sont un peu en retrait, personne n'a l'air d'en avoir besoin. Le train est là, ils montent sans arrêter leurs conversations et ils investissent une bonne partie de la voiture. À peine le train reparti les discussions qui s'étaient apaisées le temps de la répartition reprennent de plus belle et l'ensemble des voyageurs profite alors de l'ambiance. Difficile de lire dans ces conditions, mais personne n'ose dire grand chose. On entend bien un Chut ! de temps en temps, mais il n'a que peu d'effet en volume et en durée.

Ma station approche et je commence à me lever. Ils restent, d'après ce que j'ai compris, jusqu'au terminus de la ligne, à Paris. Le train s'arrête, je descend et m'éloigne en écoutant le brouhaha qui diminue au fur et à mesure de mes pas. Les portes se referment et le train repart vers la grande ville où ils vont tous descendre. Tout en marchant mes pensées s'envolent …

Peut-être que moi aussi, un jour, je ferai comme eux, des sorties de carte vermeil !

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