L'article 29 de la loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dit ceci :
Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
L'article 65 (modifié par Loi n°93-2 du 4 janvier 1993 - art. 52 ()) de la même loi dit cela (l'emphase est de moi) :
L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait.
Toutefois, avant l'engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d'enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l'enquête est ordonnée.
Les prescriptions commencées à l'époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies.
Un commentaire homophobe et injurieux déposé il y a plus d'un an sur un blog envers l'auteur d'un billet, blog où j'écris de temps en temps, est-il condamnable ? Dans l'affirmative il relève alors de l'article 29 cité ci-dessus. Cependant il a été écrit il y a plus de 3 mois donc le délai de prescription est passé comme le dit l'article 65 et il n'existe plus aucun recours.
Un billet, écrit en réaction le lendemain, et qui dénonce de façon humoristique l'absurdité dudit commentaire est-il diffamatoire ? Dans l'affirmative, ce dont je doute fortement, il relève alors des deux mêmes articles de cette loi, non ? De la même prescription.
J'ai reçu une lettre recommandée avec avis de réception me mettant en demeure de retirer ce billet (soit-disant) diffamatoire sous vingtaine sinon je serai l'objet d'une plainte en référé qui sera déposée dans un tribunal de Grande Instance, comme le prévoit, dixit le demandeur, un arrêt du 5 février 1992.
Il prétend que ce j'ai écrit était diffamatoire et que le commentaire visé avait du être déposé par un de ses concurrents. C'est en tout cas de cette manière que je comprends sa lettre sur laquelle il a pris soin d'indiquer la mention « Sous toute réserve. », mais sans dire laquelle !
Si cette démarche est entreprise par le demandeur pour se refaire une virginité numérique sur le web en vue d'une recherche d'emploi par exemple ou pour décrocher des contrats, il aurait été bien plus simple de sa part de m'envoyer un mail (gratuit) en m'expliquant son soucis. Je n'aurai pas hésité une seconde à mettre hors-ligne ce billet gênant pour sa carrière !
Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de réagir, alors qu'il a l'air de connaître la loi aussi bien, alors même qu'il a laissé un commentaire sur le billet désigné il y a 4 mois. Il laisse passer le délai de prescription pour ensuite venir menacer. Curieux.
Je vais m'arrêter là et ne pas enfreindre le secret de la correspondance privée en vous dévoilant le contenu intégral de cette lettre — et des quelques mails échangés depuis — qui m'a un moment inquiété, c'était peut-être le but, puis amusé et enfin agacé. Quelle énergie, quel argent, quel temps dépensé pour un résultat égal à zéro !
PS : Si vous pensez savoir de qui il s'agit, n'en parlez pas ici, ce n'est pas la peine de faire de la publicité à ce monsieur, il ne veut pas qu'on parle de lui.
1 De Richard -
C'est une partie de mon cours que j'ai pas encore abordée, mais il me semble que sur internet, le délai de prescription ne débute qu'à partir du retrait du contenu litigieux... Le contenu serait publié de façon perpétuelle jusqu'à sa suppression. C'est une jurisprudence qui est certes injuste par rapport aux imprimés (qui persistent pourtant dans le temps), mais qui fait loi pour le moment...
2 De Franck -
Ce n'est pourtant pas ce qu'en pense Maître Eolas dans son billet à ce sujet (cf. les moyens de défense).
3 De Richard -
Bon, en regardant dans mon manuel, il s'agit du jugement du 6 décembre 2000 de la 17eme chambre du TGI de Paris (C.Lang c. T. et R. Meyssan). Mais bon, mon manuel date de juin 2003 et il y a peut-être eu des nouveautés non répertoriées.
4 De gilda -
"et que le commentaire visé avait du être déposé par un de ses concurrents" : mais si tel était le cas, que te reproche-t-il ? D'avoir diffamé ledit concurrent ?? J'ai dû louper une marche (en même temps tu ne souhaites sans doute pas en dire davantage). Est-ce que ça a quelque chose à voir avec les étranges trolls de la dernière fois ? As-tu demandé à Tarquine et Eolas ce qu'ils en pensaient ?
5 De Franck -
Gilda, Il me reproche le fait qu'une recherche google sur son pseudo et quelques autres adjectifs de personnalité mène directement sur le billet en question et que par conséquent cela nuit gravement à son activité du moment.
Richard, au pire la loi Perben II (de 2004) pourrait allonger à un an la durée de la prescription, mais dans mon cas, cette nouvelle durée est elle aussi dépassée car c'est la date de première publication qui est retenue. Merci pour la référence que je vais aller consulter.
6 De Franck -
Richard, j'ai retrouvé des infos la dessus sur le site ZDNet, entre autre :
7 De gilda -
En gros il te reproche que grâce à toi la trace de son homophobie reste visible sur l'internet ou n'ai-je encore pas tout compris ? !! Si les délais de prescription ne sont pas également dépassés tu dois pouvoir à ton tour via une association de lutte contre l'homophobie lui attirer quelques ennuis pour l'expression même de ces propos, non ? (sans compter que tu aurais certainement gain de cause en maintenant ton billet). Et puis : que les conséquences de ce qu'il a fait ou dit lui nuisent, qu'est-ce que pour toi ça change ? La cause première est de son fait, pas du tien. (alors peut-être que le droit cloisonne à ce point qu'il te faudrait faire à ton tour un recours pour remonter jusque-là, mais n'empêche). Pourquoi n'aurait-on pas le droit de citer quelque chose lu sur un site où tout le monde peut avoir accès ? Il ne s'agit pas de divulgation d'éléments à caractère privé ?
8 De gilda -
PS : à mon avis le coup de dire que le commentaire avait été déposé par un autre ne tient pas trop la route (que ce soit vrai ou non) juridiquement : si tu as écrit ton billet en rappelant le pseudo et non une identité ou une raison sociale liée à celui-ci, tu es tranquille puisque sous ce pseudo-là a bien été écrit ce qui a été écrit. Non ?
9 De Franck -
Gilda, dans le billet incriminé j'avais aussi pris soin de démonter par l'absurde et de manière humoristique ses propos, et donné mon avis sur les quelques œuvres qu'il avait mis à disposition du public. D'autre part, j'avais précisé son nom car il n'en faisait absolument pas un secret, il était affiché en clair, en regard de son pseudo, sur une des pages de son site, ladite page étant encore accessible via le cache de Google — il faut dire que toute tentative d'accéder à son site depuis ici par exemple, mais je ne suis pas le seul, aboutit à une page pour le moins étrange. Il est probable qu'il ait installé une redirection sur referer (origine précédant le clic qui amène à ladite page).
10 De Franck -
PS : Quand à me retourner contre son commentaire, c'est hors de sujet, le délai de prescription a couru.
11 De Lipki -
Je ne connais pas le sujet, et je ne juge de rien.
Mais quelque soit la personne qui dans l'absolu est en tord, retiré ton commentaire règlerais le problème, et pour le coup, ne porterais préjudice a personne.
J'ai tendance a pensé que tous le monde a le droit a une deuxième chance, même quand il ne le demande pas gentiment. (Et puis internet garde les informations en dehors de leur contexte, de leur époque, de leur ancienneté, on n'a pas toujours cela en tête avant d'écrire)
12 De Angie -
Hello, je partage assez l'avis de Lipki. Le recommandé avec AR montre par ailleurs que le Monsieur est assez déterminé et qu'il semble prêt à sortir du domaine "anonyme" d'Internet pour régler la situation. Même si la loi est de votre côté (je n'en sais pas assez cependant pour juger), c'est beaucoup d'emmerdements pour un commentaire (déplacements, interrogatoire, comparution, avocat, etc.). Tout le monde peut publier n'importe quoi, sur n'importe qui... un juge qui ne se penchera peut-être pas en profondeur sur votre dossier (comme c'est souvent le cas dans le cadre de petites affaires) pourrait lui donner raison s'il est bien défendu et que le préjudice causé est réel. Globalement, son courrier, votre billet et les commentaires qui s'en suivent posent la question des droits des blogueurs. Le blogueur peut-il tout dire sur tout le monde ? Il y a parfois un sentiment de toute puissance sur la blogosphère que chacun d'entre nous devrait reconsidérer (je ne parle pas pour vous, Franck, je ne connais pas l'affaire). A+
13 De Franck -
Qu'on lui procure une seconde chance, pourquoi pas, mais il faudrait alors qu'il cesse d'importuner les gens de cette manière. Je ne suis pas le premier, une certaine Veuve Tarquine a déjà eu affaire à ce monsieur, et d'autres ont peut-être eu eux aussi affaire à lui.