Depuis quelques temps, au fil de conversations tenues ici et là, en numérique ou en analogique, entre quatre yeux ou entre deux claviers, au fil des billets écrits sur ma vie et mon entourage, au fil des billets lus chez vous et chez d'autres, je me suis rendu compte que je m'imposais une censure, une auto-censure. Pas un billet écrit — en tout cas me concernant directement — sans que je n'ai à l'esprit un petit signal m'indiquant jusqu'où je peux aller. Je sais que quelques membres de ma famille lisent ce blog régulièrement — bonjour vous d'ailleurs — et par conséquent je n'écris pas tout ce que je pourrais écrire à un inconnu ou dans un journal personnel. Pourquoi ?
Pourquoi en effet ? Pas que j'éprouve une quelconque gêne à dire ce qui me semble important, mais plutôt parce qu'il est difficile de s'abstraire des relations plutôt intimes qu'on peut avoir avec l'auteur lorsqu'on est proche de lui. Comment lire sans interpréter aussitôt ? Est-ce que l'auteur, sachant la qualité — au sens familial ou amical du terme — de certains de ses lecteurs, ne va pas éviter ce qui peut inciter à une lecture interligne, et par conséquent biaisée, de son propos. Cela s'apparente, de manière assez étrange d'ailleurs, à la psychothérapie qu'il est possible de suivre avec un étranger et certainement pas avec quelqu'un de son entourage. Comme si la proximité des personnes impliquait une distanciation dans les mots.
Il est probable que la mode des pseudos — apparus bien avant l'avènement des communications numériques — ne soit pas qu'une mode mais bien un moyen, pas toujours efficace, de garder la distance nécessaire et suffisante vis à vis des siens ou des gens que l'on côtoie régulièrement. Il est curieux aussi de voir que petit à petit les auteurs finissent par se découvrir ou être découverts, ce qui revient au même, et du coup reprennent leurs véritables identités. Est-ce qu'il n'est d'ailleurs pas plus facile de commencer derechef de cette manière ? Personnellement j'ai commencé il y a quelques années avec un pseudonyme — vous le connaissez bien entendu — qui me permettait d'être et d'écrire de manière très différente de ce que j'étais réellement. Et puis la vie a fait que j'ai fini par dire et écrire autrement, d'autres choses, plus proches et fatalement plus intimes, ce qui rendait du coup le pseudonyme très décalé, voire inapproprié, et c'est la raison pour laquelle j'ai choisi d'utiliser mes deux prénoms.
C'est finalement une bonne chose car ça me permet de répondre instinctivement lorsqu'on m'appelle, y compris lorsque je rencontre des gens qui ne me connaissent que sous cette identité, et me garde d'un rapprochement trop facile avec ma vie professionnelle dont je ne parle pas ici. Bien entendu il n'est pas très difficile de retrouver mon identité complète, voire même mon adresse — certains l'ont déjà utilisée et en recommandé qui plus est — mais je préfère conserver ce semblant de protection, au moins vis à vis de mon employeur. Ne pas mélanger volontairement serviettes et torchons me paraît être une bonne méthode, autant que faire se peut. D'ailleurs je le vérifie de temps en temps avec Google. En cherchant mon prénom associé à mon deuxième prénom, je tombe directement ici. En cherchant mon prénom associé à mon nom, je n'apparaît plus du tout. Mon choix est apparemment judicieux.
D'ailleurs, par curiosité, combien d'entre vous connaissent mon premier pseudo ?
1 De Thygo -
Je ne connais pas ton ton premier pseudo. De toute façon, lorsque je parcours un blog, et j'en parcours un paquet chaque jour, je ne cherche pas à percer le mystère de la personne qui l'écrit. Je prends ce qu'on me donne.
Pour la première partie de ta note, mon premier blog à été ouvert de façon anonyme sous un pseudo que personne ne connait dans mon entourage. Ce blog me servait de défouloire à la suite d'une relation puis déception amoureuse. J'y écrivais tout, sans aucune retenue, jusqu'a des nouvelles érotiques, voir pornographiques. Aujourd'hui, je fais comme toi. Je m'autocensure. Mais mon blog du moment ne me sert qu'a laisser des sentiments édulcorer et d'échanger des expériences et nouvelles divers. Et ça me suffit.
2 De Anne Onyme -
Pour ma part j'utilise 2 pseudos. Mon premier est connue de ma famille. Quelqu'un voulant se donner la peine, pourrait retrouver mon nom a partir des infos que j'ai laissé sur mon blog, mais je vérifie également régulièrement que l'on ne retombe pas sur mon pseudo à partir de mes noms et prénoms. Le 2ème me permet de poster les points les plus intimes. J'utilise mon premier pseudo depuis 2001 et il n'y a que sur certains forum que mes noms et prénoms ont pu se retrouver associé à ce pseudo. Le pseudonyme est pour moi grande bavarde une protection indispensable si je ne veux pas que n'importe quel curieux est accès d'un seul coup à l'ensemble de ma vie grace à ce support fantastique qui permet de retrouver des moments intimes de sa vie, des pensées et des impression fugitives d'il y a 7 ans.
3 De kowalsky -
Je ne connais pas ton premier pseudo.
4 De Chty -
moi non plus je ne le connais pas :/
5 De Fab des bois -
Apparement je dois être un vieux de la vieille à suivre ton blog ;)
Je me souviens du pseudo et même de l'illustration qui allait avec ... Ca ne nous rajeunit pas.
C'est vrai, maintenant que tu le dis, que l'orientation du blog a changé depuis que tu as changé de pseudo, je le trouve plus axé sur la vie que tu mènes tous les jours et moins sur tout ce qui était geek.
Enfin le principal, c'est que tu continues encore longtemps comme ça, peu importe le pseudo Mister Tortue GT !
6 De saperli -
moi non plus
7 De Franck -
Fab des bois, j'ai flouté le pseudo histoire de laisser jouer les autres ;-)
8 De Guillaume -
Comme je te lis depuis longtemps je me souviens parfaitement de ton premier pseudo et c'est assez marrant de voir quel ont été les changements et de pseudo et de ligne éditoriale au fils des ans et des mois :)
9 De Akynou -
Je t'ai toujours connu sous le nom de Franck Paul. Donc je ne suis pas une si vieille lectrice que ça :-) Au début, quand j'écrivais, je n'étais lue que par des inconnus. Maintenant, je suis aussi lue par des membres de ma famille, bienvenus ou non, et par des personnes que j'ai rencontré et appris à connaître et à apprécier.
Au début, ça m'a gêné. Et puis, maintenant, non. L'envie ou le besoin d'écrire est trop fort. Et j'assume pour le reste. Par contre, oui, pour le boulot, j'essaie de maintenir la porte fermée, même si ce n'est pas toujours évident.
10 De Franck -
Je me demande d'ailleurs si cette auto-censure peut sauter dans le cas où les circonstances font qu'il devient préférable de dire plus. Que devient alors le blog ? Que deviennent alors les lecteurs habituels ? Suivent-ils le mouvement ou pas ? Viennent-ils lire la suite en commentant, en se taisant ?
Akynou tu me donnes l'occasion de te dire que je suis avec attention tout ce que tu nous livre, jours après jours, et que même si je suis plutôt discret cela ne m'empêche pas de penser à vous.
11 De KaG -
Tu as raison dans ce que tu dis. Pour ma part, j'utilise mon pseudo depuis si longtemps que l'association à ma véritable identité était très facile, j'ai donc pris le parti d'afficher les 2 ensembles, ce qui a, paradoxalement, étonné ceux qui ne me connaissait que sous ma véritable identité :)
Par contre l'auto censure est, du coup, réelle, même si elle est modérée (sans jeu de mots ;) ). Je ne parlerai pas de choses très intimes sachant que des proches, belle maman, des collègues de taff, des voisins, etc. vont circuler de temps à autres. J'ai même songé à ouvrir un second blog pour ça... A voir...
12 De Janusz -
pseudo : Tortue GT en rapport avec ton pseudo pris de ton jeu favoris de l'époque ?
Ahhh, je me souviens de ce bandeau superbement dessiné d'une tortue de course nous regardant avant son départ vers le soleil couchant.
Je dois même avoir une capture d'écran quelque part... Que de souvenirs quand même. Que de temps passé.
13 De Franck -
Oui en effet (Fab des bois avait trouvé lui aussi). Il y a une copie d'écran ici. ;-)
Et voilà l'avatar que j'utilisais à l'époque :
Tortue GT
14 De samantdi -
Ah non, je ne savais pas... Je suis aussi mal à l'aise avec l'idée de pouvoir être découverte, mais si quelqu'un veut se donner la peine d'enquêter, je suppose qu'il trouvera assez facilement qui je suis. La grande question est alors de savoir si ce qui le motive est d'ordre bienveillant ou malveillant.
J'ai été traumatisée par ce qui est arrivé à garffield, mais je ne veux pas non plus me laisser gâcher le plaisir de tenir un blog par la parano.
J'oscille entre ces deux pôles ! (ces deux Paul)
15 De brol -
Pfff, je reste sur ma fin, je pensais que tu allais (enfin !) faire ton coming out...
Uhuhuh ;-)
16 De Franck -
samantdi, comme tu le soulignes l'usage d'un pseudo n'est pas la panacée dès qu'on cherche un peu d'anonymat. Il existe tellement de moyen de pister une trace numérique sur le net que je ne me demande plus si ce moyen existe mais combien il y en a !
brol, pourquoi irais-je faire un coming-out ?
17 De brol -
Rhooo, c'était pour rire voyons.
18 De Otir -
Intéressantes questions psycho-sociologiques... J'écris sous pseudonyme, alors que tous mes proches connaissent mon blogue et donc mon identité associée à mon pseudo. A tel point que même très récemment une de mes amies a jugé bon (sans me prévenir) de faire la publicité des blogues de toute sa communauté en associant mon identité officielle telle que je ne l'utilise avec personne (même pas aux Etats-Unis, c'est dire !) avec "Un jour à la fois". J'étais en fait plus furieuse qu'autre chose.
Je suis en train de lire un e-livre (doit-on écrire un "livre-é" en français pour e-book ? ) fort intéressant sur l'avenir de la réputation en ligne (le livre est en anglais, c'est pourquoi je n'ai pas mis le lien, mais bien sûr je peux le communiquer). C'est une question qui interpelle, comme on dit.
En résumé, l'utilisation d'un pseudonyme pour moi, ce n'est pas pour me cacher, mais c'est en réalité bel et bien ma personnae online.
19 De Franck -
Je me demande ce que les psychiatres pensent de cette personnae online dont tu parles. Considèrent-ils cela comme une sorte d'exutoire ou plutôt comme un trouble ?
Je suis curieux de te lire (en espérant que mon anglais résiste suffisamment pour me permettre de le faire).
20 De cleanettte -
La question est plutôt, est-ce que la personnae online est si différente de sa personnalité en live?
Pour ma part, j'avoue qu'au début je me suis permis grace à mon pseudo d'être nettement plus violente, aggressive, revendicative que je ne le suis d'ordinaire, seulement cela n'a pas duré très longtemps car je me suis rendu compte très vite que les régles de la vie en communauté s'appliquent de la même manière sur le net et que mal écrire aux autres apportait les même désagrément que de leur parler mal. On ne se travesti pas sous un pseudo, il permet juste une certaine liberté. Grace à mon pseudo je parle à des étrangers, plus facilement qu'à la pluspart de mes collègues de travail, il m'affranchit de ma réserve naturelle et me permet de vous parler directement comme à mes meilleurs amis mais en aucun cas il ne déforme ma nature profonde au contraire il lui permet de s'exprimer plus librement.
21 De Franck -
Tout à fait, choisir et utiliser un pseudo c'est aussi commencer une vie nouvelle, qu'elle soit numérique ou réelle. On n'est plus comptable de notre passé et de nos choix effectués — bien que ceux-ci finissent par ressurgir tout de même au fur et à mesure, le pseudo s'use-t-il ? — et du coup il est plus facile de construire un personnage idéal.
22 De gilda -
Sans doute pour la même raison de fond qui fait que je déteste être maquillée, je n'écris pas sous pseudo, ne le ferai qu'en cas d'impossibilité de faire autrement. Pour autant ne souhaite pas que dans mon milieu professionnel officiel ça se sache, mais c'est peut-être déjà fait. A mon insu je suis devenue trop visible, car déjà sur l'internet (avant les blogs) depuis trop longtemps. Trop tard pour prendre des précautions.
A partir du moment où l'on consent à écrire si on veut que ça ait un sens, on est bien obligé de remballer sa pudeur sinon les textes ne seront qu'une suite de mots peut-être jolie mais sans sens réel, ni communication d'émotions. Je m'efforce toujours de placer la frontière avant l'endroit où les autres entrent en jeu. Je m'autorise à parler de l'effet de leurs actions sur moi, mais pas à les mettre en cause, ni à les raconter. Pour les exceptions je demande toujours l'autorisation. L'inspirateur de Stéphanot me refuse ainsi souvent certains de ses mots d'esprits que j'aimerais partager pour le plaisir de vous faire rire et de narrer du bon, mais lui les estime trop intimes ou que c'était pour moi seulement. Dans ce cas, je change de sujet.
Et puis il y a ce qu'on ne dit pas ouvertement dans nos écrits, mais qu'avouent les interlignes, les citations, les allusions, les blancs ou notre style. Je me suis pris une claque en tombant sur le référencement de Traces sur Technorati, ne pensais pas avoir cité autant ni être aussi transparente.
Alors je crois qu'il n'y a pas de solution miracle. Qui écrit s'expose. Reste à le faire avec respect et à assumer. Jamais facile. Risque du métier.
23 De Franck -
En lisant tes remarques je me suis rendu compte que je traitais différemment les gens que je connais de ceux qui me sont tout à fait inconnus. Comme si la potentielle lecture des premiers m'incitait à une prudence alors qu'il m'arrive de dépeindre sans retenues aucunes de parfaits anonymes, rencontrés dans les transports en communs par exemple !
24 De cleanettte -
Je ne parle quasiment jamais de Zhom, ou si peut d'abord parcequ'il n'apprécierait pas je me contente de ce qu'il écrirait lui même. Je ne poste qu'assez peu sur mes loustics car j'estime qu'ils ont un droit de regard, je ne poste leur photo qu'avec leur accord(soit quasi jamais pour fiston ;-). Sur le web il faut protéger son identité et sa vie privé mais aussi celle de ceux qui nous entoure.
25 De Erwan -
Intéressante, cette discussion sur l'anonymat (relatif)
Personnellement je ne prétais pas beaucoup d'attention à ça (je n'écrit ni ne montre rien de fondamentalement personnel ou intime), jusqu'à une mauvaise surprise il y a peu.
Mais comme le souligne Gilda plus haut, après quelques années à laisser des traces (parfois involontaires) sur le net, il est un peu tard pour prendre ses précautions...
26 De gilda -
Je crois, Franck, que c'est un peu normal ne serait-ce que pour la simple raison que les illustres inconnus que tu croques tu les croises ou les entends dans un lieu public, alors que les personnes qui nous sont intimes, généralement non. Ce qui est public l'est à mes yeux par définition. A charge à chacun d'avoir un comportement ou des propos différents s'il tient à ce que personne ne les repère et éventuellement transmette même sous un mode transposé. Souvent je fais encore cet effort désuet de discrétion de ne par exemple pas donner trop de détails physiques rendant possible une éventuelle identification quand je rapporte des paroles entendues, par exemple sur la ligne 13. Mais j'estime que si quelqu'un a braillé à tue-tête des idioties confidentielles dans son téléfonino au sein d'une rame blindée il n'a qu'à s'en prendre qu'à lui-même si parmi les gens qu'il aura dérangés se trouve un blogueur à l'oreille et à l'humour affuté. Nanmého !
Quant à ce qu'on dévoile d'intime ou pas, je pense que c'est à chacun de faire son choix et de moduler en fonction de sa situation. Quelqu'un qui se sent à l'aise avec ça peut tout à fait faire de son blog une sorte d'album familial et que ça puisse être éventuellement intéressant pour les autres aussi (je pense par exemple à ce blog-ci dont je suis une lectrice plutôt régulière et depuis longtemps). Je veux dire : ce n'est pas parce que je ne souhaite pas écrire ou donner à voir certaines choses que je pense que tout le monde doit en faire autant. Peut-être que plus tard mes enfants me diront, c'était nul ton blog, tu parlais jamais de nous, comme si pour toi on comptait pas. Et peut-être que si j'y postais souvent de leurs photos, il me reprocheraient au contraire plus tard de l'avoir fait. Comment savoir ? Dans le doute j'ai choisi la discrétion puisque c'est ce qui au cas le pire fera le moins de dégâts. Mais il n'y a pas de solution universelle et valable pour tous.