La porte pourpre

Vous savez pas la dernière ? Il parait que j'ai un blog. Oui, oui, un de ces machins sur Internet où je raconte ma vie. C'est extrêmement pratique pour retrouver le fil de ce qui vous est arrivé, surtout dans mon cas ! C'est le vieux savant qui me l'a affirmé alors que je lui demandais des précisions au téléphone :
« J'ai trouvé votre blog vous savez, m'a-t-il dit.
– Ah bon ? Déjà ? Je croyais pourtant n'en avoir parlé qu'à peu de gens, c'est curieux …
– J'ai simplement fait une recherche sur πR2 avec Google et je suis tombé directement chez vous. Par contre je n'ai rien trouvé d'intéressant ailleurs, ni ici ni autre part.
– Ah ? Dommage, j'espérais que vous auriez une idée …
– Mais laissez-moi terminer, je n'ai pas dis que je n'avais rien ! En fait je pense que les trois symboles sont un code qui donne accès à autre chose, et que les signes et les schémas qui les composent sont une sorte de mode d'emploi.
– Oui mais c'est du chinois mandarin pour moi, pas moyen de trouver un début de signification !
– Ne cherchez pas si loin, la réponse est plus évidente il me semble, n'oubliez pas qu'ils vous ont octroyé ce coffre délibérément, ils savent que vous l'utilisez et il est probable qu'ils en sachent suffisamment sur nos capacités, surtout les vôtres …
– C'est bien gentil, lui ai-je répondu, mais ça ne m'avance pas plus !
– Le cercle voyons, le cercle, s'exclama-t-il. πR2 est la formule qui permet de calculer une circonférence d'un cercle de rayon R. Tout simplement. Il faut chercher dans cette direction !
– …
– Prévenez-moi dès que vous aurez trouvé, je vous fais confiance pour ça ! A-t-il ajouté avant de raccrocher le combiné, sans me laisser le temps de lui dire que j'avais fait quelques études et que j'étais un peu au courant pour ce genre de calcul. »

Donc j'ai effectivement un blog, d'ailleurs vous le savez bien, vous êtes en train de le lire ce machin comme l'appelle Suzanne et qui me sert de carnet de bord. J'ai cherché longtemps comment un cercle pouvait être la clé de cette énigme. Pendant quelques jours, j'ai ruminé la question, j'ai même organisé mes leçons de mathématiques différemment pour pouvoir y réfléchir. Ce n'est normalement pas au programme de ce trimestre, mais mes garnements ont été très intrigués et captivés par l'énigme que je leur proposais. On a bien sûr commencé par les bases, ce qu'était un cercle, où l'on pouvait le trouver dans la nature ou dans nos foyers, quels phénomènes s'y rapportaient — on a dérivé pendant plusieurs heures sur les tourbillons, les souches d'arbres, les roues de secours, etc — pour enfin poser le problème final :

Soit un coffre noir, d'origine inconnu, cubique et mesurant exactement 50cm de côté, muni d'une porte dont le mécanisme d'ouverture était invisible et inconnu et qui affiche, lorsqu'on le brosse doucement, trois symboles barrés, π, R et 2, respectivement barrés d'un trait oblique, vertical et horizontal.

Question : Sachant que πR2 est la formule permettant de calculer la circonférence d'un cercle, expliquez à quoi se rapporte ce dernier.

Les gamins m'ont posés plein de questions saugrenues et quelques intelligentes sur les objets que j'avais testés grâce au coffre, mais je sentais bien que la clé n'était pas là. Une sorte d'intuition, difficile à cerner, mais suffisamment présente pour j'en acquiers la certitude. Nous avons discuté deux heures, en faisant pas mal de digressions — plutôt bienvenues d'ailleurs tellement nous tournions en rond, et j'ai fini par stopper l'exercice. C'est à ce moment que le petit Grégoire a dit à haute voix (lui qu'on entend qu'au moment où la cloche de la récré sonne à la volée) :
« M'sieur, m'sieur, ma mère elle a un coffre dans ma maison, mais il est caché. Je le sais, je l'ai vu ouvrir le tableau qu'est dans le salon dimanche dernier quand on devait aller chez mémé. Elle a pris un gros collier puis elle a refermé le tableau. »
J'allais lui signifier qu'il était malpoli d'épier les gens de cette manière quand j'ai soudain songé à mon problème. Un tableau qui cache un coffre. Est-ce qu'il n'y a pas un tableau, ou quelque chose qui y ressemble, et qui cacherait une serrure sur mon coffre ? Il fallait que je m'en assure rapidement.

Les deux heures restantes avant la fin de la classe me sont apparues interminables et c'est en bousculant le directeur que je suis sorti en trombe pour récupérer mon vélo et filer à la maison. À peine arrivé, j'ai jeté mon imper sur le canapé et je suis entré dans mon bureau — enfin c'est plutôt un petit cagibis avec une fenêtre minuscule — et j'ai observé le coffre d'un autre œil. Je cherchais dorénavant quelque chose de précis. Un mécanisme caché, une serrure dissimulée. Le coffre n'était pas bien grand, je devais pouvoir trouver facilement.

J'ai passé quelques minutes autour, à le frotter, devant, derrière, sur les côtés lorsque j'ai senti une minuscule aspérité sur le devant. Pile au centre de la porte. Il y avait un trou conique minuscule. J'avais un cercle et maintenant j'avais un trou, ou plutôt non, un centre ! J'ai attrapé fébrilement le vieux compas que je gardais dans ma trousse et j'ai piqué la pointe dans le trou. Mais ensuite ? Fallait-il tourner à droite ou à gauche ? Dans le sens des aiguilles d'une montre ou dans le sens contraire ? Et surtout, avais-je droit à plusieurs essais ? Pas de réponses bien sûr. J'ai reposé le compas pour réfléchir et je suis retourné devant mon ordinateur pour observer les symboles. πR2, trois barres, oblique (vers la droite), verticale puis horizontale. Il fallait que j'essaye, après tout c'était peut être aussi simple que ça ?

J'ai repiqué le compas, j'ai placé la mine à approximativement à deux heures, et j'ai commencé à tourner en laissant une légère marque de graphite sur la porte du coffre. À peine avais-je parcouru le tiers du cercle que celui-ci à commencé à luire légèrement. Avec ce début de réaction j'étais quasiment sûr de mon fait et j'ai continué mon mouvement jusqu'à la position huit heures, jusqu'à l'autre extrémité de cette barre oblique. J'ai ensuite relevé la mine pour la reposer à la position six heures et j'ai tracé jusqu'à midi. Puis encore une dernière fois pour la dernière barre, de neuf heures à trois heures. À peine avais-je retiré la pointe du compas qu'un déclic a retenti. Le cercle à commencer à pulser légèrement de cette couleur pourpre si particulière. Je me suis reculé pour observer ce qu'il se passait et me suis adossé à la porte de mon estancot. Au bout de quelques secondes une sorte d'iris à commencé à apparaître au milieu pour finalement découvrir une sorte de grille circulaire au milieu de laquelle se trouvait une pyramide. Je me suis approché doucement, j'ai attrapé l'appareil photo qui traînait encore sur le bureau et j'ai pris quelques clichés. Chaque case de cette sorte de marelle circulaire comportait un symbole. J'ai vite retrouvé mes π, R et 2, pas tout à fait identiques, mais suffisamment proches pour que je les reconnaisse. Il y avait aussi une sorte de X avec un pied recourbé, un cercle pas complètement terminé et quelques autres qui ne ressemblait à rien de connu. Douze en tout.

J'ai appuyé sur mes trois symboles, le π, le R puis le 2. Aussitôt le cube s'est ouvert, puis chacun des côtés s'est déplié vers le mur, comme un triptyque et enfin le dessus et la porte sont montés pour former une surface plate d'environ 1m50 de haut. Il n'y avait aucun bruit et pourtant on voyait les différents éléments se déplacer mus par je ne sais quelle force ni quel mécanisme. Les deux côtés se sont ensuite déplié comme des accordéons pour compléter la surface. Au bout d'une trentaine de seconde j'avais devant moi une surface carrée, complètement plane dont on ne voyait pas les raccords et qui faisait un mètre cinquante de côté. On distinguait une sorte de moiré sur la surface, à la limite du noir et du pourpre et qui dessinait doucement des formes changeantes. Je me suis approché doucement et prudemment et j'ai affleuré la surface de mon index. Pas de réaction. J'ai alors appuyé doucement, sans forcer, et c'est à cet instant que me suis rendu compte que la surface était immatérielle. Mon doigt n'avait rencontré aucun obstacle et paraissait tout à fait intègre.

Pris d'une impulsion soudaine, j'ai fait un pas en avant, un seul pas et je me suis réveillé …


Ce billet est ma participation au jeu du sablier de printemps de Kozlika

L'amorce …

Vous savez pas la dernière ? Il parait que j'ai un blog. Oui, oui, un de ces machins sur Internet où je raconte ma vie.

… provient du billet chronique d'une thèse annoncée - ou pas. de Krazy Kitty.

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