Oliv et le bateau - Le plan

Oliv était un petit elfe plein d’imagination et qui venait d’un pays de forêt lointain. Petit et très vif, il s’occupait comme il pouvait pour gagner de quoi se nourrir et se loger. Il était tous les matins sur les quais à décharger les grands navires qui mouillaient au large, ou bien les grandes barques des pêcheurs qui revenaient de longues sorties de pêche nocturne avec les lampes à huile. Le soir, une fois terminée sa journée de labeur, et après avoir acheté quelques fruits et du pain, il s’arrêtait dans les auberges pour écouter les belles histoires pleines de mystères que racontaient les pêcheurs de perles du lagon. Ils parlaient d’îles merveilleuses, de fleurs aux couleurs écarlates, d’animaux doux et amicaux et surtout d’un petit peuple de nains qui les habitaient. En buvant sa bière, Oliv se rêvait à la barre d’un voilier qui voguerait vers les terres mystérieuses.

Un jour, alors qu’il finissait de décharger quelques caisses de mérou attrapés dans la nuit, il s’arrêta soudain, observa fixement l’horizon et se dit : « C’est décidé ! Je vais me fabriquer un bateau ».

Aussitôt rentré chez lui, dans la cabane qu’il avait aménagé depuis quelques temps sur le bord de la plage, il prit une grande feuille blanche qu’il posa sur son bureau de vieilles planches et un crayon fin qui traînait dans un verre sur le rebord de la fenêtre. Il s’appliqua du mieux qu’il put pour dessiner la coque, le mat et la baume, les voiles — petite et grande, sans oublier le foc — et bien entendu tous le gréement nécessaire à la navigation. On trouvait en bonne place le gouvernail, quelques taquets pour bloquer les écoutes, une belle ancre en métal forgé et pour finir le pavillon aux couleurs de son clan. Une tortue de mer entourée par deux dauphins sautant. Il peaufina son œuvre et finalement se recula pour contempler l’ensemble. Tout cela avait fier allure, assurément. Il tourna alors la grande feuille et se lança dans le comptage et le recensement des matériaux et des outils qui lui faudrait pour mettre son plan à exécution …

Au petit matin il finit par s’endormir de fatigue sans avoir ni bu ni manger autre chose qu’un verre d’eau depuis la veille. Quelques heures plus tard, alors que tout le monde était levé depuis longtemps et s’affairait activement à ses occupations du matin, il se réveilla et contempla la feuille qu’il avait noircie de traits, de lettres et de chiffres. Il sortit alors sa petite bourse qui ne le quittait jamais, bien cachée dans son vêtement et commença à compter ses économies. Tant pour les voiles en coton épais et solide, tant pour les outils qu’il faudrait acheter pour travailler le bois, encore autant pour acheter les matériaux, et peut-être un peu pour la peinture, au moins assez pour dessiner le nom.

Une fois comptées et recomptées les maigres économies qu’il possédait il décida d’aller voir Zébulon le charpentier pour lui montrer son plan. Zébulon était un vieil elfe taciturne qui vivait à la lisière de la forêt et qui s’était pris d’affectation pour le jeune Oliv depuis que celui-ci avait perdu ses parents dans un naufrage. Le vieillard étudia consciencieusement les plans du garçon en buvant une bière douce et amère qu’il avait remontée de son puits où elle prenait le frais. Il reposa ensuite la feuille sur son établi encore recouvert de copeaux et se tourna vers Oliv :
« Et où comptes-tu te rendre avec ce vaisseau ? lui demanda-t-il.
– Et bien jusqu’à la grande île des nains après le bord du monde, répondit-il plein d’espoirs.
– Soit ! Mais il te faudra alors quelques bras supplémentaires pour sortir de la zone calme du lagon et pour affronter les tempêtes du nord !
– Ah bon ? Pourtant les marins n’en ont jamais parlé …
– Je sais, ils sont trop fiers pour montrer qu’ils ont peur ! Rétorqua Zébulon.
– Ah bon … »
Oliv n’avait pas d’amis ni de famille avec qui il aurait pu partager ce voyage et il commença à comprendre que son projet allait finir bien mal.
« Nous verrons cela plus tard, repris soudain le vieil elfe, j’ai une idée, mais avant tout il faut apporter quelques modifications ! ».

Oliv avait bien vu la petite lueur dans les yeux du vieillard et commença à reprendre espoir. Zébulon se mit à agrandir les cotes du dessin en les multipliant par trois, puis il rajouta une structure de bois recouverte de toile huilée, juste au milieu du pont, puis pour finir, un balancier sur le côté qui aiderait à la stabilité de l’ensemble par gros temps. Une fois transformé, le bateau offrait de la place et un abri pour une demi-douzaine de personnes et pour les vivres nécessaires au long voyage.

« Je dois m’absenter un moment, lui dit le vieil elfe alors qu’il reposait son crayon. Reste ici et attends moi. Tu peux prendre une pomme dans le coffre, là-bas, et de la soupe dans la marmite qui est sur le feu, je reviens dans une heure. »

Sur ces mots il mit son chapeau de paille sur sa tête presque nue, enfila son grand manteau noir et sorti après avoir attrapé sa longue cane noueuse qu’il l’aidait à se déplacer. Oliv mangea la soupe et le fruit de bon cœur tout en observant les retouches faites par Zébulon. Chaque élément était à la bonne place et c’était probablement le plus beau navire qu’il put rêver de construire. Une heure se passa, puis deux et ce n’est qu’au bout de trois qu’Oliv entendit la porte se rouvrir …


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