Oliv et le bateau - Le départ

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« Entrez, entrez mes amis ! Par ici, par ici … » dit Zébulon en posant son chapeau et son manteau sur le coffre près de l’entrée. Il posa ensuite sa longue canne le long du mur, derrière la porte, et s’avança vers Oliv qui ouvrait des yeux étonnés dans sa direction. Un homme, plutôt grand pour un elfe, habillé d’une longue veste de cuir fauve, de grande bottes de la même peau passa alors la porte en se courbant un peu. Il posa un gros sac dans le coin puis suivi Zébulon qui s’approchait de la cheminée. Une femme, très petite, presque menue, suivait en traînant deux enfants d’une dizaine d’années dans ses jupes. Elles avait de grands yeux verts, portait une longue robe grise recouverte d’un tablier noir serré à la taille par une ceinture remplie de dagues et de couteaux de formes différentes. Les gamins, de part et d’autre ne disaient pas un mot, se contentant de suivre pas à pas la direction prise par leur mère.

Oliv vit défiler toute cette famille autour de la longue table en chêne pour venir s’asseoir sur les bancs. Zébulon sortit alors des bols en bois et de grandes cuillères puis servi une grande louche de soupe à chacun. Une fois terminé, et alors que tous le monde avalait son potage silencieusement, il se tourna vers Oliv et lui dit :
« Oliv, mon enfant ! J’ai bien réfléchi et je suis arrivé à la conclusion que tu ne pouvais te lancer seul dans cette traversée. Alors voilà, je te présente Pépin, avec sa famille, voici son épouse Anda et ses deux enfants, Xa et Bi ».

Les elfes avaient pour coutume de n’octroyer qu’une seule syllabe au prénom des enfants tant qu’ils n’atteignaient pas leur majorité, c’est à dire treize ans et ce n’est qu’après l’âge vénérable de trente-neuf ans qu’un elfe pouvait s’en choisir une troisième, s’il le désirait. C’était cependant plutôt rare, les elfes n’étant pas dotés d’une longévité importante. Néanmoins, afin d’éviter les confusions pendant les conversations, ils ajoutaient, lorsque cela était nécessaire, le nom de leur maison à leur patronyme. Ce qui donnait, pour l’homme ici présent, Pépin du Bord-de-la-mare-bleue et sa famille.

« Enchanté, parvint à balbutier Oliv qui écarquillait les yeux de voir tout ce beau monde manger à grande allure le contenu de leurs bols.
– Cela fait plusieurs mois qu’ils souhaitent partir d’ici pour fonder un nouveau clan, sur une autre île, alors j’ai pensé qu’ils devraient se joindre à toi pour la traversée. Continua le viel elfe sans laisser le temps à Oliv ni à quiconque de prendre la parole ou de poser des questions.
– Mais …
– Pas de mais ! Ils t’aideront à la construction du bateau et à l’achat du matériel qui te manque et tu devrais être fin prêt d’ici le début de la saison de pêche. Mais il ne faudra pas traîner, vous aurez juste le temps si vous commencez dès demain matin. »
Sur ces mots, le vieillard ouvrit son coffre, en préleva une pomme, le referma et se dirigea vers sa chambre.
« Ah, et surtout, ne faites pas de bruit en rangeant, je vais dormir un peu, ce voyage m’a épuisé le peu d’énergie qu’il me restait encore ce matin à mon réveil. », finit-il en refermant doucement la porte et en baillant …

Oliv et Pépin finirent par se mettre d’accord sur ce qu’il fallait entreprendre au plus vite, l’achat du bois, des toiles de coton et des fers nécessaires pour la coque, le mat et les baumes, les voiles et l’équipement nécessaire, en suivant les plans modifiés par Zébulon. Anda allait s’occuper de coudre les voiles et de tresser quelques longes et drisses, tandis que les deux enfants qui n’en finissait pas de se chamailler pour un oui ou pour un non, auraient pour tâche de ramasser toute la résine de pin qu’ils pourraient pour faire les joints.

Ils travaillèrent sans relâche pendant presque deux mois, sous les ordres et les conseils avisés de Zébulon qui veillait à tout, avec sa pipe et sa tabatière, installé confortablement dans le hamac qui surplombait le chantier derrière chez lui. Oliv avait pris quelques cours de navigation à la boussole avec le vieux marin qui tenait la brasserie du port et Pépin, sa femme et ses enfants étaient devenus des champions à la manœuvre des voiles. Puis finalement le jour de l’inauguration arriva.

Zébulon demanda alors à Oliv s’il avait réfléchit à un nom pour son navire, car il ne fallait pas le mettre à l’eau sans le baptiser — les vieilles croyances étaient encore vivaces dans le pays. Oliv réfléchit un moment puis s’exclama :
« Le point de lumière ! Voilà le nom que j’ai choisi pour lui. Le point de lumière …
– Bien ! Déclara le vieil elfe, il faut sans tarder peindre ce nom sur la coque et dès vous serez prêt il faudra le lancer à l’eau. Demain, à l’aube, vous partirez. finit-il par dire.
– Déjà ? Mais on a pas encore acheté les vivres et …
– Pas d’inquiétudes mon garçon ! Tout est prêt, je m’en suis occupé hier avec Anda et ses garçons. Les caisses sont à l’abri dans le cellier, elles n’attendent plus que d’être chargées à bord ! » répliqua le vieil homme en hochant la tête.
Une fois la peinture sèche, il poussèrent le bateau à la mer, laissèrent glisser l’ancre pour le retenir et le contemplèrent en silence.
« Voilà de la bel ouvrage, assurément, dit Zébulon en allumant sa pipe. Venez, allons dîner et prendre des forces pour votre périple. Il va être long. »

La soirée passa rapidement autour du feu. Zébulon leur fit quelques recommandations et leur souhaita bon vent avant d’aller se coucher. Il devait quitter tôt le village le lendemain et ne les verrait probablement pas. Une fois le vieillard enfermé dans sa chambre, Pépin questionna Oliv :
« Tu sais d’où il vient ? J’ai entendu dire qu’il n’était pas de ce clan, qu’il était arrivé un beau jour par la montagne et que jamais personne n’a su de quel clan il appartenait.
– Non ! Je ne sais presque rien de lui. À chaque fois que je lui ai posé des questions il avait une course urgente à faire, ou un livre à consulter. Je n’ai jamais su …, répondit Oliv pensivement ».
Sur ces mots ils se quittèrent pour profiter du repos des quelques heures qui leur restaient encore avant le lever du soleil.

Le lendemain matin, les vivres et les bagages chargés et arrimés comme il se doit, ils montèrent à bord et se préparèrent au départ. Pépin remonta l’ancre au signe d’Oliv et le bateau commença à dériver vers la passe au nord du lagon. Oliv se retournait régulièrement pour scruter l’horizon en espérant croiser le regard ou la silhouette du vieil elfe, mais personne ne se montra ce matin là. Tant pis ce dit-il, j’aurais pourtant aimé qu’il me parle plus de l’île des nains et de ce trésor dont on parle tout bas …

Dans une maison, au bord de la forêt, assis devant une vieille table en bois, un elfe tira sur sa pipe et soupira doucement :
« Bon vent mon garçon, bon vent … »


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