Le clown

Un jour, alors qu’il était question de se rendre à un mariage — je crois, ma mémoire me jouant des tours farceurs et singuliers ces temps-ci — nous avons été avec mon père et mon frère dans un grand magasin. Il s’agissait de trouver un costume afin que les parents n’aient pas à rougir de nous emmener vêtus de nos pauvres habits que nous affectionnions plus particulièrement à cette époque, le jean, les tennis et le tee-shirt. Tiens, me suis-je dit, je vais peut-être avoir l’occasion de changer de look, d’avoir l’air bien comme il faut avec les cheveux bien rangés, la raie sur le côté, les ongles propres. En un mot je devais ne plus avoir l’air d’un bon à rien mais d’un fils de bonne famille, standing oblige.

Nous voilà alors dans les rayons à fureter ici et là. Personnellement je n’avais pas trop d’idée sur ce qu’il fallait trouver, pas plus que sur le style ou la couleur. Je m’imaginais bien avec un costume noir et une belle chemise blanche qui pourraient, une fois accessoirisés correctement par mes soins, me faire un look sympa. J’avais déjà pensé aux lunettes de soleil que j’aurais pu porter avec, un peu comme dans les vieux films américains que j’aimais bien.

Mon père s’était tout d’abord occupé de mon frangin. Un costume gris foncé avec de fines rayures avec le gilet qui convenait — j’ai toujours aimé l’aspect soyeux et satiné du dos de ces gilets qu’on porte sous une veste, à tel point que je trouve dommage de les recouvrir —, une chemise blanche toute simple et un nœud papillon pour parfaire le tout. Puis mon tour est arrivé. Je tournais un peu autour des costumes que j’avais repéré quand tout à coup mon père m’a demandé de venir avec lui. On a parcouru quelques mètres, traversé quelques rayons, il a pris un costume, vérifié la taille, attrapé une chemise et un pull et m’a tendu le tout en m’indiquant les cabines d’essayage.

Je n’ai pas pipé, j’ai attrapé la pile et je suis parti. Déshabillage, rhabillage puis je suis ressorti pour montrer à mon père qui s’impatientait de l’autre côté du rideau. Il s’est approché, à repris ici et là le tissu pour ajuster la veste, m’a remonté largement le bas du pull — que je trouvais deux fois trop grand pour moi — pour lui donner un peu de volume autour de la taille. Il s’est reculé, a eu l’air satisfait et m’a ordonné de me rhabiller rapidement car il fallait qu’on trouve une cravate ou nœud papillon pour moi.

C’est habillé de pied en cap avec les achats de cette journée que nous nous sommes rendus quelques semaines plus tard à ce mariage où étaient invités la plupart des représentants qui travaillaient avec mon père dans cette société de prêt-à-porter. Je me souviens de l’allure de mon frère, que j’enviais largement pour tout dire. Le gris était joli, presque autant qu’un noir c’est dire. J’ai juste regretté de ne pas avoir mis un gros nez en plastique vert. Il ne manquait que cela pour aller avec le costume rouge vif, ma chemise jaune paille et mon pull et ma cravate bleu roi.

J’aime beaucoup les couleurs … quand c’est moi qui les choisit et les accorde !


Publié initialement en avril 2009

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