Journée rencontre nationale 2010

Autrement dit JRN qui est une journée organisée par l’association Épilepsie-France tous les deux ans, alternativement à Paris et en province, pour permettre aux adhérents de se rencontrer, d’échanger et de participer à des tables rondes thématiques où interviennent des experts dans des domaines tels que la recherche sur les causes de cette maladie, les conséquences directes ou indirectes qu’elle engendre ou encore la prise en charge des personnes souffrant d’épilepsie.

Affiche de la JRN 2010

C’est tout naturellement que j’avais choisi de participer aux tables rondes des thèmes suivants[1] :

  • Épilepsie et scolarité : Comment intégrer ou orienter scolairement un enfant épileptique ?
  • Épilepsie et handicap cognitif
  • Épilepsie et établissements spécialisés

Plutôt que de faire un compte-rendu détaillé je préfère reprendre quelques témoignages ou paroles entendues ici ou là et qui illustrent assez bien ce que peut être la vie d’une famille dans laquelle se trouve un enfant souffrant d’épilepsie, car c’est en s’appuyant sur les expériences des autres que les choix, parfois douloureux, qu’on peut être amené à prendre prennent tout leur sens. Faut-il à tout prix maintenir un enfant qui a des troubles d’apprentissage dans le cursus ordinaire, quitte à le mettre en position de compétiteur pour simplement être reconnu normal comme les autres ? Faut-il au contraire trouver une structure, un dispositif, où ce stress est moins présent, où la prise en charge permet à l’enfant de retrouver son rythme ? Autant de questions que je me pose dans l’absolu et qui se heurtent souvent à des résistances humaines ou matérielles.

La loi de 2005 impose à l’éducation nationale de proposer un projet éducatif intégré dans les structures ordinaires à tout enfant porteur de handicap. C’est cette loi qui a permis la mise en place des MDPH, sorte de guichet unique qui regroupe tous les services et centralise toutes les démarches autour des personnes en difficulté. C’est une loi importante parce qu’elle a permis d’instituer un cadre légal pour la prise en charge des handicaps de toute nature, même si, comme souvent, les moyens mis en regard ne sont pas toujours suffisants — les listes d’attente où sont inscrits les gamins sont encore longues dans les structures spécialisées comme les CLIS, les SESSAD, les IME ou les ITEP.

Épilepsie = blessure narcissique

Dr. Pinard, neuropédiatre

L’épilepsie a ceci de particulier qu’elle provoque une rupture de contrôle de la personne lorsque elle est confrontée à une crise. Imaginez-vous simplement sur un quai de métro, tombant soudain sans connaissance, puis vous réveillant et passant de longues minutes à reprendre pied avec la réalité, avec votre réalité, votre corps, vos sensations. Que s’est-il passé pendant l‘absence ? Une épée de Damoclès suspendue au dessus de votre tête sans que vous sachiez si ou quand elle va s’abattre. Un des témoins présent pendant cette journée nous a expliqué qu’après chaque crise, il en faisait très régulièrement, il lui fallait un effort très important et très fatiguant pour se retrouver. Que la fatigue éprouvée à la suite d’une crise n’est pas seulement due à la dépense d’énergie physique observée pendant les convulsions, mais tout autant par l’effort intellectuel pour rassembler les morceaux épars de ce qui vous compose.

Ce même témoin, qui a maintenant un métier dans la recherche — ce qui prouve au passage qu’épilepsie n’est pas synonyme de débilité, loin s’en faut —, nous a également expliqué qu’il avait élaboré au fil du temps des palliatifs aux troubles d’apprentissages qu’il avait. Il avait essentiellement d’importants problèmes de mémoire. Avait-il pris ses médicaments ce matin ? Les avait-il pris deux fois ? Difficile de s’en souvenir quand la mémoire fait défaut. Du coup il avait adopté la procédure suivante : lorsqu’il enfile sa montre le matin, il prend aussitôt ses médicaments, lorsqu’il la quitte le soir il prend ceux du soir. Ainsi, ce geste n’étant effectué qu’une fois le matin et une fois le soir, il est sûr de ne pas manquer une prise. Plus besoin de se dire « Les ai-je pris ce matin ? », il suffisait qu’il regarde si sa montre était à son poignet. Retenir cette procédure lui était infiniment plus facile que de se souvenir, jour après jour, de ses prises de médicament.

Les enfants souffrant d’épilepsie présentent fréquemment des troubles de cet ordre. Lenteur d’exécution, persévérations, difficulté de concentration, parfois une combinaison de tout ceux là et d’autres encore et le plus souvent ils possèdent toutes les capacités intellectuelles — l’intelligence — pour apprendre. Ils sont lents alors souvent on fait à leur place et ils perdent confiance en eux, ils ne sentent plus capables. À cela s’ajoute le regard des autres, ceux qui ne savent pas, ceux qui savent et qui rejettent ou stigmatisent.

L’épilepsie est un symptôme parmi d’autres d’une souffrance cérébrale

Dr. Pinard, neuropédiatre

Souvent ces enfants nécessitent une prise en charge complémentaire, orthophonie souvent, psycho-motricité également, et parfois un soutien psychologique ou éducatif est nécessaire. Toutes ces aides viennent perturber et grignoter le temps scolaire. Il faut prendre en compte les trajets entre l’école et les endroits où sont proposés ces soutiens. Il est alors difficile pour l’enfant de suivre le rythme imposé par le cursus prévu. La loi prévoit un tiers-temps pour les contrôles et les examens, mais en pratique ce n’est pas toujours organisable. La loi prévoit également qu’on puisse faire appel à un AVS qui sera chargé d’accompagner et d’aider l’enfant dans ses apprentissages. En pratique ces AVS sont peu nombreux et souvent pas suffisamment bien formés à la prise en charge des troubles cognitifs liés à l’épilepsie.

Un père d’une petite fille nous a expliqué son parcours en milieu scolaire ordinaire, puis lorsque la différence a commencé à être sensible, ils se sont orientés vers une CLIS[2], CLIS pas vraiment adaptée aux spécificités d’un enfant souffrant d’épilepsie car fréquemment les seules places disponibles sont en CLIS 1 alors qu’il vaudrait mieux une CLIS 4. C’est une solution, qui peut permettre à l’enfant de retrouver un univers plus serein, à condition toutefois que les autres enfants de la classe présentent des handicaps compatibles, ce qui n’est pas toujours le cas.

Parfois il sera nécessaire d’envisager l’intégration de l’enfant dans un établissement spécialisé. Ils sont peu nombreux en France, huit à ce jour, à accueillir des enfants présentant les troubles liés à cette pathologie. Certains enfants qui s’y trouvent font des crises quotidiennement, d’autres n’en font plus depuis des années, mais tous ont ces difficultés, ces troubles, ces blessures psychologiques depuis fort longtemps et ont besoin de se reconstruire, de se renarcissiser ai-je entendu plusieurs fois.

Ce n’est pas une confiscation de l’enfant au détriment des parents. C’est un projet préparé et mis en place en commun.

Mme Guy, directrice d’un IME

Une mère présente ce jour à la table ronde sur les établissements spécialisés nous a avoué avoir le dossier d’inscription depuis longtemps sur son bureau et n’y avoir porté, pour l’instant, que le nom et le prénom de son enfant. Souvent ces établissements, compte tenu de leur faible nombre, sont des internats, y compris pour les enfants les plus jeunes. En effet, il est difficile de demander à l’enfant de faire tous les jours des trajets de plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres. C’est une déchirure disait-elle et en se tournant vers une enseignante d’un IME lui a posé cette question : « Et si ça se passe mal … qu’est-ce qui se passe ? ». L’enseignante lui a alors répondu qu’en trente ans d’activité à l’IME qu’elle représentait, cela n’était arrivé qu’une fois pour un petit garçon très jeune. Un seul exemple sur les plusieurs dizaines ou centaines d’enfant qu’elle a vus arriver et repartir.

Une autre mère nous a expliqué que lorsque sa fille avait été admise dans un ITEP, cette dernière rentrait à la maison tous les quinze jours. « C’était des larmes pour moi et pour elle, disait-elle, et puis les semaines ont passé et bientôt il n’y avait plus que moi qui pleurait », jusqu’au jour où sa fille avait arboré un large sourire à l’idée de repartir là-bas. Elle allait y retrouver son petit ami. Eh oui, la vie continue aussi dans ces établissements, de la même manière que dans tous les autres écoles, collèges et lycées de France. Cette mère a continué en insistant sur la nécessité d’aller visiter avec l’enfant le ou les établissements où l’admission est envisagée. Souvent cela ramène à sa juste proportion les craintes à propos des crises des autres enfants, du regard porté. Bien souvent l’enfant comprend alors rapidement qu’il n’est pas le seul. Elle a conclut en disant que sa fille n’avait plus jamais pleuré depuis ce retour vers son petit ami, seul son départ définitif de là-bas avait été un déchirement !

Il faut absolument éviter l’amalgame entre ces structures et ne pas prendre ceux-ci pour des écoles pour débiles — on m’a rapporté les propos d’un homme de justice qui les avait tenus à un des ses confrères, ce qui est pour le moins édifiant ! Un passage dans un établissement de ce type peut être une chance pour l’enfant, le temps de se reconstruire une base de connaissances suffisante pour rebondir dans la filière ordinaire, il peut aussi permettre de comprendre qu’il faudra envisager une autre orientation, le succès n’étant jamais garanti.

Je n’ai pas d’a priori sur les différentes solutions qui s’offrent maintenant ou qui seront possibles plus tard pour mon fils. Si une CLIS, puis une SEGPA, éventuellement un ESAT sont ce qui lui conviendront le mieux alors ce sera bien. Je ne sais pas non plus si un établissement spécialisé, fut-il nécessaire qu’un an ou deux, soit l’idéal — j’ai tout de même de bonnes raisons de croire que c’est de loin ce qui lui conviendrait le mieux, aujourd’hui. Je sais par contre que « Sans essayer, n’aucun succès » comme il est dit dans « La Demoiselle d’Avignon », et que le moins que je puisse faire pour ne pas gâcher ses chances futures est de lui proposer tout ce qui me paraît le mieux pour lui. Y compris si cela implique de bouleverser pas mal la vie qu’il mène aujourd’hui.

Le message entendu à de nombreuses reprises pendant cette journée est le suivant : « Il faut agir le plus vite possible, ne pas attendre, le temps ne joue pas en notre faveur ». Le temps propice aux apprentissages est limité, les possibilités de réinsertion dans le cursus ordinaire sont peu nombreuses, la demande est importante et l’offre est parfois insuffisante. Les mois et les années passent, et compte-tenu des difficultés rencontrées, elle vont finir par compter double. On admet qu’un enfant puisse faire un CM1 en deux ans, voire trois dans quelques cas très spéciaux, mais pourrait-il continuer comme ça, faire un CM2 en deux ans, puis une 6e dans le même délai ? Il aura atteint sa majorité bien avant d’avoir passé le brevet des écoles, s’il devait le passer ! Je préfère tenter le coup de pouce et espérer que cela lui permette de retrouver un rythme plus propice à des études ordinaires, même si celles-ci sont adaptées.

Notes

[1] Le détail de cette journée est indiqué sur cette page.

[2] Classe spécialisée à effectif réduit, 12 élèves maximum, regroupés en fonction de leurs handicaps, mentaux, visuel, auditif ou moteur, respectivement pour les CLIS 1, 2, 3 et 4.

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