Virage de cuti

J’ai cinquante ans dont quarante-sept passées, en tout cas les années adultes, à me dire que l’homosexualité relevait d’un choix personnel, conscient et délibéré, ce que je respectais mais sans trop y penser. D’ailleurs j’avais eu l’occasion d’entendre un soir alors que nous dinions chez des amis en compagnie d’un vieux couple d’homo que l’un deux avait choisi ce genre de relations par lassitude de l’attitude vis-à-vis de lui des femmes qu’il avait connues plus jeune. Je n’étais pas tout à fait convaincu mais ça participait de ma croyance d’alors. Le choix était possible.

Plus tard, beaucoup plus tard, à l’occasion d’une autre rencontre, que j’ai racontée peu de temps après, c’était en février 2009, j’ai compris. Ce choix n’en était pas un et ma compréhension a basculé, je dirai plutôt qu’elle s’est éclairée, lorsque j’ai mesuré les raisons de leurs frustrations, de la colère vis-à-vis de la ségrégation dont ils étaient l’objet. Moi qui pensais jusqu’alors qu’ils leur suffisaient de choisir l’hétérosexualité pour espérer avoir des enfants, j’ai compris l’impasse dans laquelle ils étaient engagés malgré eux.

Lors de leurs discussions à propos des enfants, j’ai évité de parler de ce que j’avais personnellement traversé et vécu et de la joie que j’avais d’en avoir un maintenant. J’ai pensé sur le moment que c’était cruel de faire ça alors qu’ils ne pourraient jamais le vivre et ce parce qu’ils l’avaient décidé. J’ai compris depuis que j’aurais pu en parler, simplement pour dire que je comprenais ce désir. Parce que j’imagine le courage nécessaire pour être capable d’en parler ouvertement.

Préjugé, février 2009

Il m’est arrivé d’en parler, de temps en temps, et j’ai aussi appris plus tard que cette orientation pouvait varier au cours de la vie, en tout cas certains le pensent, mais qu’en aucun cas c’était délibéré. J’ai compris aussi que ce que vieil homme racontait une dizaine d’années plus tôt n’était qu’une façon de justifier sa situation. C’était malheureux.

Mon parcours, un peu particulier, m’amène à quelques indulgences envers ceux qui, les pauvres, n’ont pas (encore) été éduqués, informés, éclairés, comme je l’ai été. Je ne parle pas des intégristes qui farcis de leurs croyances séculaires et sectaires déversent autant qu’ils le peuvent leur tombereau d’injures et de menaces. Qu’ils aillent au diable, justement. Pour les autres, vous savez ceux qui disent « je ne suis pas homophobe, d’ailleurs j’ai un excellent ami homo », il reste encore du chemin à parcourir. Des petits pas ont été faits, et dans le bon sens !

J’ai compté hier-soir les copains-copines LGBT que je connais, je me suis arrêté après en avoir dénombré une douzaine ; ils sont nombreux à faire partie de ceux que je côtoie — j’aime bien le verbe côtoyer, être à côté — depuis plus ou moins longtemps. Je n’en connais pas un qui ne pourrait aussi valablement que moi s’occuper d’un enfant. Tout aussi attentifs, dévoués et responsables que les copains-copines hétéros qui en ont aujourd’hui, ni plus ni moins. À tout ceux-là et aux autres, mais d’abord à ceux-là j’espère apprendre vos mariages — et peut-être ensuite vos divorces, après tout ça va parfois avec —, ou que vous avez choisi, simplement, de ne pas vous marier, j’espère rencontrer vos futurs enfants, j’espère…

Je suis allé manifester dimanche et aussi avant pour que ces droits ne soient plus déterminés en fonction de l’orientation sexuelle de chacun. J’y suis allé parce c’est juste.

Franck, Hétéro

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