Aujourd'hui accagner

Oyez oyez, mesdames et messieurs, l’histoire que je vais vous conter et qui est arrivée pas plus tard qu’hier alors que votre humble serviteur s’en allait céans vaquer à des occupations alimentaires.

Malotrus

Ordoncques, j’étais sur le point d’aller au travail, comme chaque matin, lorsque j’avisais un camion de transport de véhicules garé devant ma machine. Évidemment, un autre scooter était garé derrière moi, une moto à côté et une jolie barrière sur la droite finissait de m’encercler. Damnation, j’étais cerné !

J’ai été voir dans la cabine du camion, personne.

J’ai regardé alentours pour tenter de trouver le manant qui osait bloquer une huitaine de deux-roues motorisés sans vergogne, mais nada.

J’ai hésité, j’ai tergiversé, je me suis demandé in petto dans le dedans de moi-même si ça vallait le coup d’appeler les flics ou que sais-je encore, j’ai pesté in petto et in extenso, j’ai fulminé, j’ai… bref j’étais pas content.

Quelques minutes, bretonnes, se passèrent, et voilà l’énergumène qui arriva, sans se presser, et qui commença à faire descendre une rampe pour y faire monter une voiture. J’allai immédiatement le voir et lui signala mon problème. Que n’avais-je fait, puisque ce n’était pas le sien, il s’en tapait complètement, se limitant à me dire qu’il n’en avait que pour quelques minutes.

Je vous passe le détail de nos échanges, sommes toutes courtois, enfin presque, et j’ai donc patienté, n’ayant pas envie de me fritter plus que verbalement avec ce monsieur. Appeler les flics, m’étais-je dit in petto encore, ne servirait pas à grand chose, en estimant que le temps qu’ils arrivent serait supérieur au temps du dérangement probable.

J’étais donc tenu d’attendre, ce que je fis.

Pendant ce temps, donc, le gus s’occupait de la voiture dont le propriétaire n’ayant cure de mon souci immédiat n’avait en tête que de photographier l’objet de toutes ses attentions, peiné qu’il avait l’air de voir partir son destrier loin de Paris, tout en m’ignorant superbement, sachant très bien qu’il était en partie l’objet de mon courroux.

Je vais faire court, parce que sinon ça sera trop long…

Vers la fin de la manœuvre, alors que le malotru chauffeur de camion remontait sa rampe une fois la voiture fixée correctement et que le malotru propriétaire de la bagnole continuait à admirer icelle, j’entendis un soudain et brusque bruit de plastique.

En effet, le camion occupant la moitié de la place disponible sur la chaussée, un chauffeur — malotru lui aussi, vous verrez pourquoi ensuite — de taxi s’était permis de s’arrêter en double file, obligeant les voitures se trouvant derrière lui à slalomer entre son véhicule et le camion.

Jusque là, pas trop de problème, il y avait assez de place pour circuler — sauf moi bien sûr qui attendait encore que le camion bougeât —, sauf qu’au moment où les voitures avaient commencé à rouler, ayant fini d’attendre que le taxi s’arrête, celui-ci avait eu l’excellente et très pertinente idée d’ouvrir sa portière pour en sortir (sic). Vous comprenez maintenant ce qui m’amène à vous décrire les événements.

La portière ouverte, donc, empiétait elle aussi sur la chaussée — vous admettrez qu’à ce moment du récit la chaussée était passablement encombrée, à telle point que plus personne ne pouvait circuler, moi compris mais sauf les deux-roues (j’espère que je suis clair) —, et la première voiture qui circulait à embouti celle-ci, cassant un peu de plastique et rayant un peu de métal, mais pas beaucoup.

Le chauffeur de taxi, furax, sortit en hurlant de son fier destrier et accagna copieusement le chauffeur de la stock-car qui avait emboutit légèrement son outil de travail. Un constat, il voulait un constat sur l’heure et sommait l’autre de se garer et de descendre pour établir le dit papier.

L’autre, emboutisseur malgré lui pensais-je puisqu’il n’avait pas eu beaucoup de temps pour s’apercevoir de l’ouverture péremptoire de la portière du taxi, avait plutôt l’idée de s’enfuir au plus vite de cet endroit vociférant et menaçant qu’avait tout spécialement organisé pour lui le chauffeur de taxi.

Derrière, vous vous en doutez, on entendait la douce mélodie des klaxons en tout genre et même, ici et là, quelques « Dégagez ! Je bosse moi ! », comme si les autres étaient là pour se promener, moi non-compris parce que vous savez que j’allais au boulot, enfin, j’essayais de !

Bref, n’ayant pas vu de mes propres yeux le moment où l’accident s’est produit, j’estimais qu’il ne servait à rien de rester, les deux zigotos étant sur le point d’en venir aux mains, et profitais alors d’une avancée certes minimale, mais suffisante du camion qui me bloquait pour me dégager de là et partir enfin vers mon but.

D’après mes souvenirs, mais ils valent ce qu’ils valent, la succession des événements avait été : arrêt du taxi en double-file, ouverture de portière et une ou deux secondes plus tard avancée de la voiture suiveuse qui n’avait donc matériellement pas la place de passer.

Je les ai donc laissés là, à discuter, à s’avoiner, à s’accagner vertement, avec quelques klaxons apparemment énervés et suis parti enfin vers mon travail, profitant alors d’une route superbement dégagée, puisque tout le monde était encore bloqué derrière par le camion et l’altercation.

C’était un matin ordinaire de la vie parisienne.

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