Je lis et relis ce « manifeste », ce cahier des charges de Pep, depuis qu’il l’a publié, il y a quelques jours. Ça fourmille de bonnes idées, on comprend petit à petit comment le schéma d’ensemble est construit, la progression qui l’a mené vers cette « solution » hybride qui reprend le meilleur de ce qui existe ici et là, et c’est toute l’intelligence de cette combinaison.
Ma première idée, quand j’ai eu fini de le lire, et de le relire plusieurs fois parce qu’il y a tellement là-dedans, a été de prévoir de le découper pour pouvoir y répondre et commenter ici, en plusieurs billets, reprenant chacun des points qui me titille le neurone.
J’en ai parlé un peu, hier soir, avec Olivier qui partage visiblement la même vision que Pep sur ce qu’il faudrait développer et construire pour publier sur le web.
Et puis ce matin, à l’occasion d’une n-ième lecture j’ai fini par mettre le doigt sur ce qui me bloquait — le titre de ce billet doit d’ailleurs vous mettre la puce à l’oreille !
Faisons juste preuve d’un petit peu d’imagination. Au-delà du “reblog“/”repost“, nous pourrions également implémenter une méthode pour commenter depuis chez soi, sans avoir à faire un véritable post soi-même.
…
Commenter depuis chez vous…
Vous voyez où je veux en venir ?
Chacun chez soi
Je crois que c’est ce qui m’a le plus gêné dans l’approche, et c’est pour moi un des défauts majeur de Tumblr (dont il s’inspire en partie) — au delà de l’absence de flux RSS/Atom pour suivre ceux qui publient là-bas — est que l’interaction est déportée ailleurs qu’à la source qui l’a inspirée ; même si les artifices webmentions et consorts corrigent légèrement ce travers.
J’hésite à en dire plus, parce qu’il y a beaucoup à dire la-dessus, ou vous laissez méditer sur cet aspect, pour moi fondamental, de ce qui peut constituer et alimenter une tribu sur internet…
Il y a une notion de « don », dans le commentaire, que tout le reste n’a pas. Parce qu’on offre à l’auteur, dans ses pénates — en prenant au passage le risque de se soumettre à ses conditions et à son jugement ; il est maître chez lui —, quelques mots et ce faisant ces mots deviennent partie intégrante de sa publication ; c’est raccord avec mon engagement dans le logiciel libre, dans le temps que j’offre depuis des années pour permettre à d’autres de publier.
D’autre part, un rétrolien (webmention, pingback, appelez-ça comme vous voudrez) n’a pas la même valeur qu’un commentaire ; attention ce que je dis ici est très personnel, j’explique simplement mon ressenti. Pas la même valeur parce qu’il oblige le lecteur à rompre sa lecture pour allez consulter la source du rétrolien. Un clic de plus, de trop ?
Non seulement on perd la fluidité et on enferme — protège ? — ses propos chez soi au lieu de les ouvrir chez d’autres.
Chacun ses données
Je comprends tout à fait la volonté de vouloir maitriser l’endroit où sont stockées ses données ; on parle ici des données publiées sur le web, sous forme de billets, de bookmarks, de citations, de bouts de code, … C’est sain de vouloir se préserver des aléas des silos proposés ici et là ; Tumblr, Medium (qui va bientôt fermer), Facebook et consorts pour ne citer que les plus connus.
C’est une des raisons pour laquelle ce blog et quelques autres sont gérés sur un serveur dédié (ou plutôt une machine virtuelle perso) partagé avec quelques amis.
Mais tout cet aspect ne concerne que la pérennité des données, pas leur destination, et c’est je crois le principal défaut que je trouve à toute cette mécanique. Le curseur est trop orienté sécurité — il y a comme un écho à l’air du temps présent qui me perturbe un peu, même si je sais que c’est à mille lieues de la volonté initiale du projet.
Et centraliser
Sur l’infrastructure du projet, nous pourrions avoir un principe d’annuaire. Cet annuaire serait alimenté automatiquement à chaque création d’un nouveau site avec l’outil.
J’avoue qu’au moment de lire ces deux phrases j’ai aussitôt pensé à l’annuaire Dotclear qui existait il y a une décennie ! La boucle est-elle bouclée, une autre façon de mutualiser ses blogrolls ? Mais au fait, ça manque singulièrement de consentement éclairé de la part du créateur, « d’alimenter automatiquement… », non ? Ou alors ce n’est pas évoqué ? On va dire ça…
La techno
Page blanche !
C’est la conclusion à laquelle je suis arrivé en tournant et retournant tous les aspects techniques évoqués par Pep, même si mes premières et immédiates réactions ont été de tenter de prouver que Dotclear répondait déjà — correctement réglé et c’est là que ça commence à coincer — à certaines préoccupations.
D’ailleurs, très tôt dans le cycle de vie de Dotclear, Olivier avait introduit une zone “QuickPost” au sein de ce fameux tableau de bord. L’idée a depuis été abandonnée - me semble-t-il - car elle n’avait pas les faveurs du plus grand nombre.
Mais j’ai vite compris que c’était illusoire parce qu’aussi bon ce moteur de blog est-il, et il l’est je pense, Dotclear n’est pas du tout adapté au nouveau paradigme proposé par Pep.
Je dois dire que c’est à la fois effrayant, parce que du coup je sors de mes sentiers battus, et excitant parce c’est une page blanche et qu’il n’y a du coup aucun boulet technologique à traîner — ce qui d’ailleurs ne manquera pas d’arriver dès que les premiers choix seront faits, ce qui est le propre de tout développement, il faut trancher.
Page blanche donc et là les questions impostantes[1] arrivent en flot ininterrompu. À commencer par savoir si j’ai une petite place là-dedans, et si oui, comment et où je peux me la faire. Et puis ai-je encore l’énergie nécessaire pour ça — je me demande d’ailleurs si le fait que je me pose la question n’est pas déjà en soi une réponse.
En fait je suis déjà en train de me demander comment, d’un point de vue technique, exporter intelligemment tout ce qui est publié ici pour l’utiliser et le republier là-bas — je tiens à mes archives, à ma mémoire —, sans savoir a priori ce que là-bas est ! Je pense que c’est finalement, la petite plus-value que je peux (m’)apporter dans cette idée car pour le reste c’est plutôt un retour du côté (futur) utilisateur.
Petite éraflure sur mon ego…
Le mot de la fin du début
D’après moi, il faudrait commencer par les nouvelles recrues. Et là aussi, beaucoup des équipes actuelles pourraient être amenées à faire preuve d’une plus grande ouverture.
Alors oui, mille fois oui, mais qui ? Ça rime, c’est déjà ça ! Parce qu’après je connais la galère et finalement la solitude du projet en fin de vie, forcément moins sexy que toutes les nouveautés qui sortent aujourd’hui, et c’est très bien comme ça. Il faut un début, une vie et une fin.
Maintenant je vais aussi garder Dotclear dans mon giron, parce que c’est confortable, ça me procure encore quelques manières d’en apprendre, même si je commence à lorgner ailleurs (Javascript, peut-être Python ensuite, …), et puis il y a une petite communauté qui survit. Et puis c’est aussi parce que c’est un bon bout de mon histoire virtuelle et réelle depuis quelques années.
En attendant je suis assez impatient de lire les avis des uns et des autres sur ce vaste sujet de la publication personnelle sur le web. Mesdames et messieurs, à vos claviers !
« Open time, open mind, open eyes »
Note
[1] J’assume ce néologisme/mot-valise ! Ceux qui savent, savent que le syndrome n’est pas loin :-)
1 De Llu -
J’ai moins réfléchi à la question que vous, même si j’ai lu le billet de Pep avec attention. Un peu l’impression d’être dépassée par tout ça :)
Je réponds sur la partie Commenter chez soi.
J’aime commenter chez les autres directement après avoir lu ou relu un billet. Je trouve intéressant d’agréger les réflexions autour du billet et de lire les commentaires et parfois conversations annexes à la source.
Éventuellement, ce que j’aimerais faire, c’est garder une trace de certains commentaires chez moi, pour me souvenir d’une réflexion amorcée chez quelqu’un et qui n’aura pas fait l’objet d’un billet chez moi (parce que je n’ai pas pris le temps ou que je n’ai rien à ajouter en l’état).
Sur la partie qui ?
Je ne sais pas vraiment.
J’aurais tendance à penser aux jeunes étudiants, mais j’imagine qu’il est plus excitant de monter son projet et aussi moins effrayant et complexe que de s’inserer dans un projet avec un historique et un groupe de personnes qui se connaissent déjà bien.
Plus généralement, malgré de la bonne volonté, c’est compliqué de voir comment on peut contribuer dans un projet mature.
Ca prend du temps, de l’énergie et c’est pas forcément très motivant ou gratifiant de consacrer des efforts à comprendre comment un projet fonctionne et ce qu’on peut apporter.
Quand en parallèle, tu dois galérer pour trouver un job, tu es malheureux au taf (burn ouf ou bore out) ou que tu bosses beaucoup (trop), ça devient encore plus compliqué.
Je me dis que si un jour on arrive enfin à obtenir un revenu universel, ça sera plus simple pour plein de gens de contribuer en travaillant moins ou plus.
J’espère de mon côté réussir à prendre plus de temps pour plus contribuer à des projets libres et avoir des projets perso également hors boulot ou pendant le boulot.
Pour l’instant, c’est pas forcément envisageable chez nous, mais je songe à mettre l’idée sur la table.
Avoir un jour ou deux ou plus par mois (on pourrait envisager de commencer beaucoup plus petit avec un ou deux jours dans l’année aussi) pour faire quelque chose pour un projet libre ou associatif dans le cadre de son temps de travail, ça serait à mon avis très enrichissant.
2 De Cunégonde -
Publier chez soi, si certain en ont le besoin pourquoi pas. Ce n’est pas mon cas. Par contre j’ai bien aimé cette idée : ” le mode d’utilisation. Choisir entre un mode “live”, qui serait cet affichage en timeline façon Twitter avec du post rapide façon Tumblr, et un mode “zen”, qui serait une interface d’écriture proche de ce qu’offre Medium.
Moi qui reste chez Dotclear par affection et non par simplicité, une telle avancé m’irait bien. Je croise les doigts pour ne pas être la seule a le souhaiter.
3 De Sylvain -
Sur la question des commentaires, je préfère aussi publier chez l’auteur de la publication, ça me semble plus naturel, surtout pour permettre d’échanger ensuite.
Après il faudrait pouvoir être notifié des réponses, sans forcément devoir d’abonner aux flux RSS des commentaires. J’avais bien testé le plugin fait pour mais ce n’était pas fiable à 100% lorsque je l’avais mis en place chez BiblioBox. Cela semble plus simple avec les réseaux sociaux, mais bon ce n’est pas la même problématique puisque je n’ai pas eu à me créer un compte ici pour commenter.
NB : Franck c’était bien tout simplement DC_ADMIN_URL pour mon problème de prévisualisation ;)
4 De Pep -
Franck, comme je te l’ai déjà dit sur Twitter, un grand merci pour avoir accepté de saisir cette perche tendue.
Je t’avoue que la petite boite de commentaire me parait bien étroite pour accueillir une réponse à la hauteur de tes remarques. Je vais donc prendre le temps de rédiger cela convenablement, hors-ligne, et décider ensuite de la forme à donner.
Ce que je peux déjà dire, c’est que je te trouve bien dur avec ce brave Dotclear. S’il ne correspond peut-être pas complètement à ce nouveau paradigme (non mais quel gros mot ! ;-) ), Dotclear reste en mesure de tenir un rôle majeur sur le chemin de la transition.
Quant au repli sur soi, je ne pense pas qu’il en soit question. Évidemment, dans l’état actuel des choses, je ne suis pas le meilleur porte-parole que les notions d’ouverture et de choix libres pourraient souhaiter. En tout cas, pas compte tenue de la forme telle que perçue au travers de mon chez moi numérique très (trop) retranché. Mais j’espère bien te convaincre rapidement du contraire.
5 De Franck -
Pep, j’ai hâte :-)
6 De Franck -
Au gré de mes lectures : « Le concept restreignant “d’ami” ou de “follower” ne nous enfermait pas dans une cage d’apriori. » (source : Hoedic, Pourquoi bloguer en 2017 à propos du blog vs les réseaux sociaux).
C’est intéressant comme remarque et ça me conforte dans l’idée de préserver ce moyen d’échanger [des commentaires] sans définir a priori le type de relation entre le commentateur et l’auteur.