Est-ce parce que ma vie est vide que ma tête est si pleine de merde ? Et puis, au fond, c’est quoi une vie remplie, d’abord ? Chacun d’entre nous doit bien en avoir une définition qui lui est toute personnelle. Et bien différente de ce que les convenances sociales espéreraient. Que ses parents lui avaient souhaité. Je suis prêt à prendre les paris là-dessus.
Aussitôt après avoir lu la fin du paragraphe j’ai eu envie de répondre, sur place, mais l’endroit ne s’y prête pas, donc je reprends le fil ici, à défaut de mieux.
Je me pose souvent la question et la seule chose que je peux avancer, de façon certaine et mesurable, est qu’elle a été mieux remplie depuis dix ans que pendant les deux fois dix ans qui les ont précédé. Pas question de regret, ni d’amertume, mais de garder ces « souvenirs » — que d’aucuns nomment expérience — dans un coin de son ciboulot pour savoir comment bifurquer ou plutôt choisir quand ça s’avère nécessaire et surtout savoir détecter quand se poser la question.
Je n’ai pas non plus envie de faire le détail de cette vie remplie, qui de toute façon ne servirait qu’à moi et comme j’en connais déjà le contenu, c’est inutile. Une autre approche, pour répondre à cette question, serait de définir ce qui manquerait à ce qu’on a vécu, et à ce qu’on vit jour après jour pour remplir complètement — dans le sens de complétude — notre vie. Eh bien pas grand chose en fait, même si parfois je manque parfois d’un peu plus d’interaction avec ma tribu.
Et puis il y a remplir et remplir. La mienne, de vie, est globalement pas ennuyeuse, c’est déjà pas mal je trouve comme façon de remplir, quand on fait des trucs plaisants et satisfaisants. Et puis il serait également honnête de dire que je suis largement favorisé, voire privilégié, moi, homme blanc, cis-hétéro, du côté CSP++, dans un pays plutôt joli… Ça aide bien, faut pas se le cacher, pour la remplir.
Cela dit, je mets quelques qualités — au sens de habiletés — au service d’autrui, autant que faire se peut et même si ça me fait plaisir d’en tirer un peu d’immodestie — ce qui reste tout de même à la frange de ce que je suis vraiment —, c’est ma façon de renvoyer l’ascenseur, pourvu qu’il aide à remplir un peu la vie des autres.
Et puis de toute façon, pour revenir à l’essence de la question posée, je ne crois pas qu’il me resterait assez de temps pour faire quelque chose de plus à moins de grignoter sur du temps précieux déjà utilisé par ailleurs, en particulier dormir et rêver ou cauchemarder, ce que j’apprécie finalement quasiment autant, voire s’offrir le luxe de s’ennuyer… Et tout d’un coup je commence à comprendre qu’à force d’écrire je finis par commencer un inventaire ! Soit tout le contraire de ce que je voulais faire…
J’oserai tout de même finir en disant qu’à la différence de Pep je n’opposerais pas vie et tête, les deux étant, en ce qui me concerne, plutôt indissociables — même si la seconde ressemble possiblement aux écuries d’Augias avant le passage d’Hercule, elle ne déborde pas trop sur l’enthousiasmante première. Il reste qu’en aucun cas ce que je raconte ici ne l’aiderait à répondre à sa question ; tout juste pourrait-ce servir à répondre à la mienne, ce que j’ai finalement déjà fait.
Réfléchir sur la substance l’altère systématiquement. La désagrège. La disperse. Et l’aseptise, aussi.
ibid
Bon courage l’ami !