À l’ombre

Sombre, Saint-Jean-Trolimon, France, août 2013
Sombre

Il est temps, je crois, de dresser un petit bilan de mon aventure l’Auberge des Blogueurs, nouvel opus d’un jeu qui s’est déroulé en premier à l’Hôtel des Blogueurs, en 2005, où j’avais interprété mon quasi double, puisant largement dans mon ordinaire pour figurer ce petit personnage de Benjamin de Favières.

Au printemps dernier, ouverture d’une deuxième saison à l’Auberge, sous les traits cette fois d’Henri Bonaventure, dans un rôle de factotum et pour la durée complète du jeu, soit un peu plus de 3 mois.

L’inspiration première du personnage vient d’Henri, du Guilvinec, dont j’ai narré à quelques reprises ses propos entendus lors de nos croisements dans un bistrot de là-bas. Évidemment il ne fallait pas le rendre originaire de Bretagne, le lien aurait été trop évident avec bibi.

Alors j’ai pensé à un ami qui vit sur le caillou (la Nouvelle-Calédonie) une bonne partie de l’année et lui ai emprunté pour l’occasion quelques unes de ses expressions, comme le désormais célèbre « Casses pas la tête ! » ou « Fin valab’ ! ».

J’avais aussi envie d’ancrer Henri dans le Paris que j’ai connu petit quand je passais du temps chez mes grands-parents, dans le 14e arrondissement. Voilà pourquoi il a eu des origines croisées.

Quant au hamac, c’est en souvenir d’heures passées à lire et au frais pendant les canicules des étés bordelais, au milieu des pins maritimes, que j’ai eu envie de l’installer près du lac.

C’était tout ce que j’avais présumé, au moment d’écrire le premier billet, et je comptais sur l’inspiration et les autres récits pour tricoter tranquillement autour de ça.

J’ai bénéficié du fil tissé par Gaston, avec le couple frangine/compagne (Charlie et Léo) pour m’incruster dans ce qui me paraissait prometteur pour ancrer Henri durablement dans l’histoire des environs. Après quelques billets autour de ça, en écho à ce que Gaston pouvait dire de son côté, cette piste qui s’est tarie en même temps que le stress provoqué par la période particulière (merci le Covid) m’a poussé dans une sorte de semi-dépression.

Un bémol aussi, qui m’a heurté plus que ce que je ne pouvais l’imaginer et ce dès le quasi début du jeu, c’est le fait qu’Henri ait été décrit comme pouvant être violent, physiquement violent ; à des années lumières de ce que je peux être ou envisager d’être, y compris dans un personnage de fiction. Je ne m’y attendais pas et ça m’a longuement perturbé ; et même si j’en ai fait mention par la suite une fois ou deux, c’est avec l’envie forte de me débarrasser de cette caractéristique. On avait trahi l’image que je me faisais d’Henri.

Je m’en suis expliqué avec le responsable et même s’il est à l’origine de cet événement, j’aurais probablement dû réagir plus vite sauf que le mal était fait, écrit, publié. Alors j’ai raccommodé comme je pouvais pour tenter d’exorciser ce trait de caractère, sans y parvenir vraiment.

Je n’étais jusque là pas satisfait des billets déjà publiés et c’était ensuite devenu tellement laborieux que j’ai fini par m’en désintéresser, ne publiant que pour répondre poliment aux interactions demandées. En quelque sorte Henri n’est jamais vraiment sorti de l’ombre dans laquelle je l’avais placé au début, un peu en retrait des autres membres de l’équipe ; par équipe j’entends les employés de l’Auberge et les personnages non joueurs qui les accompagnaient.

Les semaines ont passé ainsi, au moins jusqu’à mi-août, avant que je retrouve, plus ou moins, le goût pour écrire, et encore, je crois que l’absence d’envie jusque là a eu raison de ma capacité à « terminer » proprement l’histoire de ce garçon. Par ailleurs le volume des échanges sur le forum, avec parfois un rapport signal/bruit très déplaisant m’ont aussi conduit à négliger ce support.

J’ai évoqué ça sur le forum de discussion des auteurs, et évidemment, je suis le seul à trouver que mes billets étaient bons à foutre à la poubelle ; on était clairement pas du même côté du miroir. Bizarrement beaucoup semblent mettre en avant quelques phrases marquantes alors que de mon point de vue ce n’est vraiment qu’un artifice d’écriture.

Côté satisfaction je noterai le fait d’avoir fourni un code qui fonctionne pour la mécanique derrière le blog, et par ailleurs avoir été l’auteur d’un mème qui est revenu chez quasi tout le monde avec mes notes de bas de page « [1] J’adore ce film ».

En conclusion je m’en veux de ne pas avoir su résister à la pression du confinement imposé (par autrui ou par moi) et du stress associé, pas plus qu’à la quantité de billets, commentaires et de discussions sur le forum. De ne pas avoir su faire évoluer Henri comme j’aurais eu envie. Je m’en veux d’avoir eu envie mille fois de tout envoyer balader surtout en lisant la qualité de certains billets par rapport à ce que je pouvais péniblement pondre — pendant des semaines j’ai résisté à cette impulsion [de me barrer], simplement par fidélité pour les copains, mais j’en ai souffert.

C’était un chouette projet et je n’en ai pas profité.

Alors évidemment, maintenant que c’est terminé, j’ai déjà en tête un autre personnage, avec une histoire à tiroir, dont le début est déjà prêt et une fin à imaginer — j’ai plusieurs pistes à ce sujet. Avec (presque) l’envie d’ouvrir un blog pour raconter ça, c’est dire et c’est dommage que ça ne me soit pas venu avant, ce « tilt » qui m’est apparu soudainement début septembre !

Fin valab’ !


J’ai écrit ce que vous venez de lire à la fin de la semaine où le jeu s’est terminé, or mon sentiment a un peu évolué, et plutôt favorablement, depuis que j’en ai discuté avec un ami. J’avais fait état de ce que je viens de dire plus haut, en plus édulcoré, sur le forum (dans la partie bilan), et ses questions et ses mots m’ont conduit à relire avec un peu plus de recul ce que j’avais publié là-bas et finalement il n’y a peut-être pas tant à en rougir que ça. Je lui dois d’avoir pris ce temps pour moi.

D’autres ont eu la même réaction, jusque mon indispensable Kozlika, étonné·e·s face à mes propos sévères sur ce forum et malgré mon syndrome de l’imposteur bien présent et prompt à me glisser à l’oreille un ils sont gentils et pleins d’empathie, mais n’y fait pas attention, ce n’est pas la réalité de ce que tu as ressenti !, j’ai bien envie de croire ce qu’ils m’ont dit et écrit. Alors merci !

Elle est chouette ma tribu…

Faudrait que je lui trouve un nom à ce couillon de syndrome, non ?[1]

Note

[1] J’ai bien une idée, mais j’ai peur qu’elle ne plaise pas à tout le monde !

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