
Il est temps, je crois, de dresser un petit bilan de mon aventure l’Auberge des Blogueurs, nouvel opus d’un jeu qui s’est déroulé en premier à l’Hôtel des Blogueurs, en 2005, où j’avais interprété mon quasi double, puisant largement dans mon ordinaire pour figurer ce petit personnage de Benjamin de Favières.
Au printemps dernier, ouverture d’une deuxième saison à l’Auberge, sous les traits cette fois d’Henri Bonaventure, dans un rôle de factotum et pour la durée complète du jeu, soit un peu plus de 3 mois.
L’inspiration première du personnage vient d’Henri, du Guilvinec, dont j’ai narré à quelques reprises ses propos entendus lors de nos croisements dans un bistrot de là-bas. Évidemment il ne fallait pas le rendre originaire de Bretagne, le lien aurait été trop évident avec bibi.
Alors j’ai pensé à un ami qui vit sur le caillou (la Nouvelle-Calédonie) une bonne partie de l’année et lui ai emprunté pour l’occasion quelques unes de ses expressions, comme le désormais célèbre « Casses pas la tête ! » ou « Fin valab’ ! ».
J’avais aussi envie d’ancrer Henri dans le Paris que j’ai connu petit quand je passais du temps chez mes grands-parents, dans le 14e arrondissement. Voilà pourquoi il a eu des origines croisées.
Quant au hamac, c’est en souvenir d’heures passées à lire et au frais pendant les canicules des étés bordelais, au milieu des pins maritimes, que j’ai eu envie de l’installer près du lac.
C’était tout ce que j’avais présumé, au moment d’écrire le premier billet, et je comptais sur l’inspiration et les autres récits pour tricoter tranquillement autour de ça.
J’ai bénéficié du fil tissé par Gaston, avec le couple frangine/compagne (Charlie et Léo) pour m’incruster dans ce qui me paraissait prometteur pour ancrer Henri durablement dans l’histoire des environs. Après quelques billets autour de ça, en écho à ce que Gaston pouvait dire de son côté, cette piste qui s’est tarie en même temps que le stress provoqué par la période particulière (merci le Covid) m’a poussé dans une sorte de semi-dépression.
Un bémol aussi, qui m’a heurté plus que ce que je ne pouvais l’imaginer et ce dès le quasi début du jeu, c’est le fait qu’Henri ait été décrit comme pouvant être violent, physiquement violent ; à des années lumières de ce que je peux être ou envisager d’être, y compris dans un personnage de fiction. Je ne m’y attendais pas et ça m’a longuement perturbé ; et même si j’en ai fait mention par la suite une fois ou deux, c’est avec l’envie forte de me débarrasser de cette caractéristique. On avait trahi l’image que je me faisais d’Henri.
Je m’en suis expliqué avec le responsable et même s’il est à l’origine de cet événement, j’aurais probablement dû réagir plus vite sauf que le mal était fait, écrit, publié. Alors j’ai raccommodé comme je pouvais pour tenter d’exorciser ce trait de caractère, sans y parvenir vraiment.
Je n’étais jusque là pas satisfait des billets déjà publiés et c’était ensuite devenu tellement laborieux que j’ai fini par m’en désintéresser, ne publiant que pour répondre poliment aux interactions demandées. En quelque sorte Henri n’est jamais vraiment sorti de l’ombre dans laquelle je l’avais placé au début, un peu en retrait des autres membres de l’équipe ; par équipe j’entends les employés de l’Auberge et les personnages non joueurs qui les accompagnaient.
Les semaines ont passé ainsi, au moins jusqu’à mi-août, avant que je retrouve, plus ou moins, le goût pour écrire, et encore, je crois que l’absence d’envie jusque là a eu raison de ma capacité à « terminer » proprement l’histoire de ce garçon. Par ailleurs le volume des échanges sur le forum, avec parfois un rapport signal/bruit très déplaisant m’ont aussi conduit à négliger ce support.
J’ai évoqué ça sur le forum de discussion des auteurs, et évidemment, je suis le seul à trouver que mes billets étaient bons à foutre à la poubelle ; on était clairement pas du même côté du miroir. Bizarrement beaucoup semblent mettre en avant quelques phrases marquantes alors que de mon point de vue ce n’est vraiment qu’un artifice d’écriture.
Côté satisfaction je noterai le fait d’avoir fourni un code qui fonctionne pour la mécanique derrière le blog, et par ailleurs avoir été l’auteur d’un mème qui est revenu chez quasi tout le monde avec mes notes de bas de page « [1] J’adore ce film ».
En conclusion je m’en veux de ne pas avoir su résister à la pression du confinement imposé (par autrui ou par moi) et du stress associé, pas plus qu’à la quantité de billets, commentaires et de discussions sur le forum. De ne pas avoir su faire évoluer Henri comme j’aurais eu envie. Je m’en veux d’avoir eu envie mille fois de tout envoyer balader surtout en lisant la qualité de certains billets par rapport à ce que je pouvais péniblement pondre — pendant des semaines j’ai résisté à cette impulsion [de me barrer], simplement par fidélité pour les copains, mais j’en ai souffert.
C’était un chouette projet et je n’en ai pas profité.
Alors évidemment, maintenant que c’est terminé, j’ai déjà en tête un autre personnage, avec une histoire à tiroir, dont le début est déjà prêt et une fin à imaginer — j’ai plusieurs pistes à ce sujet. Avec (presque) l’envie d’ouvrir un blog pour raconter ça, c’est dire et c’est dommage que ça ne me soit pas venu avant, ce « tilt » qui m’est apparu soudainement début septembre !
Fin valab’ !
J’ai écrit ce que vous venez de lire à la fin de la semaine où le jeu s’est terminé, or mon sentiment a un peu évolué, et plutôt favorablement, depuis que j’en ai discuté avec un ami. J’avais fait état de ce que je viens de dire plus haut, en plus édulcoré, sur le forum (dans la partie bilan), et ses questions et ses mots m’ont conduit à relire avec un peu plus de recul ce que j’avais publié là-bas et finalement il n’y a peut-être pas tant à en rougir que ça. Je lui dois d’avoir pris ce temps pour moi.
D’autres ont eu la même réaction, jusque mon indispensable Kozlika, étonné·e·s face à mes propos sévères sur ce forum et malgré mon syndrome de l’imposteur bien présent et prompt à me glisser à l’oreille un ils sont gentils et pleins d’empathie, mais n’y fait pas attention, ce n’est pas la réalité de ce que tu as ressenti !
, j’ai bien envie de croire ce qu’ils m’ont dit et écrit. Alors merci !
Elle est chouette ma tribu…
Faudrait que je lui trouve un nom à ce couillon de syndrome, non ?[1]
Note
[1] J’ai bien une idée, mais j’ai peur qu’elle ne plaise pas à tout le monde !
1 De Sacrip'Anne -
Très contente que tu aies pris du recul, et que ça ne t’ait pas coupé l’envie.
Je te répète, Henri était pour moi le bonhomme solide sur l’épaule de qui sa tribu pouvait venir poser la tête. Indispensable, au delà de ses formules gimmick. Bien plus indispensable qu’une ombre.
La bisi
2 De orpheus -
Quel dommage que tu n’aies pas eu cette discussion avec cet ami plus tôt, pendant le jeu… Content que tu vois un peu plus en Henri ce que tu nous as donné à aimer chez lui… Bisou
3 De Neea -
Je n’avais pas pensé/pas le recul pour commenter ce point dans le bilan, mais la bagarre Henri/Gaston en début de séjour me semblait moins une marque de violence qu’une façon bizarre d’exprimer l’affection entre les deux. La manière dont les personnages ont été développés par la suite m’a donné l’impression que c’était surtout parce que Gaston était infichu de comprendre l’affection exprimée autrement à ce stade de sa vie.
Bref, rien qui m’ait laissé penser que l’un ou l’autre pourraient représenter une menace, en tout cas pour d’autres personnages. Ou qui trouble réellement la bonhommie d’Henri.
4 De Franck -
En fait, savoir qui était derrière Gaston m’a certainement mis dans cette position très inconfortable où je ne comprenais pas comment, un ami de longue date (je parle de l’auteur de Gaston) pouvait me décrire ainsi ; je crois que je m’identifiais trop à Henri à ce moment.
5 De catherine -
Je comprends ce que tu as pu ressentir. J’ai eu de la peine de mon côté à m’insérer dans le groupe, car : soit je ne respectais pas les interactions (libres ou pas), soit ce que l’on donnait à représenter de mon avatar ne me plaisait pas (ma sensibilité était heurtée très/trop vite). Ainsi me suis-je repliée sur mon personnage, par difficulté à envisager qu’il soit modelé par tel ou tel regard. Je n’ai jamais envisagé Henri Bonaventure comme violent. Il n’en avait ni le nom ni l’humeur. Bougon, distant, peut-être. L’écriture me plaisait et ne lisant que quelques personnages, Je ne le ratais pas.
Mais le plus beau de ton témoignage ici est l’évocation de Kozlika. C’est tout toi, c’est tout vous.
6 De Gilsoub -
Dans mon imagination, Henry n’était pas un violent, puisque c’était juste entre lui et Gaston, une sorte de surprenante amitié dite “viril”de deux gars copain, qui ne peuvent se passer l’un de l’autre. La vraie violence en moins, je connais des gens, plus que pote dans la vie, et qui passent leur temps à s’engueuler ; c’est surprenant, il faut bien l’avouer ! content en tout cas que tu est un peu revu ton point de vue :-)
7 De Lola -
Ce billet à lui seul donne envie d’être lectrice du blog évoqué. Alors fonce! fort de toute la sincérité de ta plume.
8 De Samantdi -
Ce serait chouette de lire l’histoire de ce nouveau personnage ! En général je suis frappée par le formidable appétit d’écriture qu’à généré le jeu, je suis sûre qu’il va en sortir de belles choses <3
9 De lynxxe -
Je n’ai jamais perçu Henri comme susceptible d’être violent. Mais je suis la première à reconnaitre qu’il est parfois difficile de se distancer de son personnage, de son ressenti, et le jeu peut exacerber et blesser la sensibilité. J’ai aimé la dimension nostalgique d’Henri, son oeil tendre et j’aurais aimé discuter avec lui, d’île et de lien familial à l’ombre du hamac.
10 De Relf -
Je reviens, penaud. Je me suis mal exprimé sur le forum et je te présente mes excuses.
Pour moi, la qualité de rédaction du personnage d’Henri est très bonne : J’ai accroché à sa toute première présentation et je me suis fait un avis sur Henry (le personnage, pas l’auteur) en tant que personne, pas en tant que personnage fictif. Ce qui me semble être un marqueur de qualité de la rédaction. (Bon, il se trouve que cet avis était négatif, mais ce serait plutôt de ma faute que de la faute de l’auteur.)
(Je vais maintenant arrêter d’écrire avant de faire une nouvelle boulette.)
11 De Kozlika -
Je le redis ici mais je pense que l’erreur fondamentale de ton analyse à chaud a été de fixer tel auteur que tu aimais bien (ou que tu percevais comme très aimé) comme étalon pour mesurer ton propre travail. C’est vrai pour tous les domaines créatifs mais l’écriture ça ne fonctionne pas comme ça.
C’est un peu comme si tu disais qu’Emil Zátopek est un gros nul parce qu’Usain Bolt court plus vite que lui au 100 mètres (wuais je suis la reine de l’analogie :-P)
La relation aux lieux et aux gens d’Henri est fondatrice de l’ambiance générale de l’auberge et de la tendresse qui y régnait — et c’est à ton écriture qu’on le doit.
12 De obni -
Excellente cette analogie Kozlika !
13 De Lephilo -
Étonnant comme le jugement de soi-même peut être différent de celui d’autrui. Valab’ dans les deux sens d’ailleurs. On vient de me passer un tapuscrit en me disant: ” super deux éditeurs sont sur le coup et la signature du contrat ainsi que la négociation des avaloirs est en cours.” Et bien, à la lecture, je me dis que ça ne vaut pas un clou par rapport à certaines proses de l’auberge.
Heureux que le recul ait dissipé cette brume jurassienne.
14 De Cunegonde -
Les relations avec soi-même sont pas toujours simples, et je vois que quand on y ajoute des personnages de fiction, ça complique encore plus. Tout est dans notre propre gestion des nos émotions. La vie fictive est aussi compliquée que la vie réelle.
Henri est l’épice qui est le liant de l’auberge.
15 De Laurent -
Je lis dans ce billet que tu es honnête en nous contant ton expérience, ton point de vue. Et c’est le principe du point de vue que nous (la tribu) ne validions pas partie ou totalité de tes critiques et souhaitions te réconforter (pas juste par gentillesse). En tout cas, je note que ce syndrome de l’imposteur s’est tu. Et je formule le souhait qu’il se taise à jamais. Amitiés :-)
16 De Luce -
Je t’ai déjà dit ce que je pensais d’Henri, de tes doutes. Je suis heureuse que la tribu IRL ait été présente pour t’aider à prendre ce recul nécessaire sur tes écrits. Heureuse que l’envie d’écrire soit présente en toi pour de futurs projets.