Me voilà bien !

Résumé Henri fait la connaissance de l’espiègle Adèle, fille de la patronne de l’auberge, et consent à lui prêter son hamac, de temps en temps. Il raconte brièvement sa rencontre avec le reste des membres du personnel.

Toujours avec l’idée de laisser quelques traces à ses enfants (imaginaires), il indique préparer la barque pour la prochaine partie de pêche sur le lac.

Avec : Adèle, Gaston, Denis Carolo, Lucien, Jeanne Lalochère

C’est incroyable, mais quel culot ! Ça valait au moins 8 jours d’IVT ce qu’il m’a fait le gars ; au lieu de ça la pharmacienne n’a pas voulu me filer autre chose qu’un conseil à base de poche de glaçons pour faire diminuer le volume de ma lèvre. Je la retiens celle-là.

Et puis bien sûr, les emmerdes volant en escadrilles, voilà-t-y pas que la fillotte de la patronne s’est approprié mon hamac en revenant de l’école alors que j’allais m’y installer pour ma longue convalescence. Mais d’où elle a cru qu’elle pouvait l’utiliser ? C’est privé ce genre de choses, ça se prête pas voyons ; aucune éducation ou plutôt tout une éducation à revoir. Va falloir que j’en touche deux mots à la petite patronne…

Mais en fait, dès qu’elle a ouvert son claquet, je me suis mis à rigoler et évidemment ma lèvre s’est rouverte. Bonjour le tee-shirt propre de ce matin, le rouge virant maronnasse sur du bleu, c’est définitivement moche !

— T’as raté une marche ou bien ?

Sur le moment j’ai pas pipé et je l’ai regardé avec mon regard méchant numéro 2 — j’en ai une belle collection —, et puis elle a enchaîné :

— Il est cool ton hamac, ça te dérange pas si je le garde encore un p’tit peu ? Tout ça en faisant genre la starlette papillonnant avec ses paupières.

J’ai pas pu me retenir, et elle non plus d’ailleurs !

— Casse pas la tête, tant que tu me le salopes pas, tu peux l’utiliser tant que tu voudras, et tant que ça ne sera pas l’heure de ma sieste, hein ?
— Génial, j’t’adore, t’es trop pas fun, lolilol !

Je me suis assis le dos contre l’arbre tout en réfléchissant à l’expression qu’elle venait d’employer. « trop pas… ». « Trop », je vois bien, mais le « pas » qui suivait m’avait laissé pour le moins perplexe et puis les pensées ont versé vers d’autres cieux…

Je me suis réveillé alors que l’après-midi était déjà bien entamée et le hamac devant moi était vide. Trop tard pour m’y remettre, j’ai repris le chemin de l’auberge en me frottant la lèvre ; j’ai horreur des croutes, alors je gratte, tout le temps, comme quand j’étais petit et que je passais mon temps à les retirer dès qu’elles étaient un peu sèches.


On forme une drôle d’équipe tout de même. J’ai rencontré tout le monde lundi matin au petit déjeuner, même Gaston était là qui avait fait l’effort surhumain de se pointer — visiblement avec quelques indiens dans le crâne — et à l’heure je vous prie ! J’ai pas trop entendu Léandre, l’homme de chambre — il paraît qu’il y tient à cette dénomination —, par contre le Denis, un vrai moulin à paroles ; une fois lancé, impossible de l’arrêter, à croire qu’il veut être Calife à la place de la petite patronne !

J’ai dans l’idée que c’est pas près d’arriver…

On a causé deux minutes avec Lucien, ce matin, au sujet de l’alarme incendie qui s’est déclenché l’autre soir et de l’origine de tout ce bazar. Quand j’ai appris le fin mot de l’histoire je me suis dit que ça me ferait du grain à moudre pour vanner la gamine ! En fait c’est dommage qu’il bosse de nuit et moi de jour, je crois qu’on aurait pu bien s’entendre comme larrons en foire, et puis il a l’air d’avoir de la bouteille. Mais bon, on choisit pas toujours ses horaires, hein ?

J’ai aussi croisé, depuis le début de la semaine, quelques clients, sans trop m’y attarder d’ailleurs. Avec la gueule que j’ai en ce moment, je dois pas être très présentable et on me fiche la paix, un bref bonjour grommelé et hop, emballé s’est pesé. Finalement, c’est peut-être pas une mauvaise chose quand j’y pense…

Tiens faudrait que je retrouve le portrait que ma daronne m’avait offert quand on avait été à Montmartre quand j’étais minot, ça serait rigolo que le mette ici. Mais pour ça faudrait que j’ouvre mes vieux cartons et j’ai moyen envie.


Finalement, moi qui étais parti pour me raconter, du passé jusqu’à aujourd’hui, je m’aperçois que je cause de tout et n’importe quoi et surtout du futile. Alors soit je me paie une séance chez le réducteur de tête et je te dis après, soit je…

Attends, on m’appelle…

— Allo oui ? … Ah non, pas tout de suite, j’suis en train de préparer la plate pour claquer un coup de pêche dans la journée !
— …
— Je verrai si j’ai le temps d’ici ce soir, sinon je m’en occupe demain sans fautes !

Mais pourquoi j’ai emporté mon 06 avec moi ?!? Ah oui, je sais, la petite patronne y tient. « Vous n’êtes pas d’astreinte », qu’elle a dit, « mais je dois pouvoir vous joindre rapidement en cas de problème ». J’avais dit « Casse pas la tête ! », bien sûr.

Faudra que je songe à oublier de le charger, de temps en temps, histoire de rester crédible…


Texte écrit à l’occasion de l’Auberge des blogueurs, pendant l’été 2020

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