Ma grand-mère, qui a un grand sens du détail, avait l'habitude de porter des colliers fantaisie, les jours où ses arrières-petits-enfants (c'est-à-dire mes neveux, pour les distraits dans le fond) venaient lui rendre visite : les petits de un, deux ou trois ans, assis bien sagement sur ses genoux, tripotaient avec bonheur les grosses perles colorées.

Ma grand-mère ne prend plus d'enfants sur ses genoux parce son dos lui fait mal, parce que ses bras se bloquent, parce que ses mains ne répondent plus. Et elle ne porte plus tellement de colliers, ni aucun bijou il me semble. Elle ne s'habille plus et nous reçoit en chemise de nuit, dans sa chambre.

La grande victoire, la dernière fois que ma sœur et moi y sommes allées avec nos enfants, a été de la faire venir s'asseoir au salon, plus vaste, plus lumineux, plus commode pour occuper les gosses. C'était joyeux et émouvant de la voir jouer aux dominos avec les petits. Je culpabilise de ne pas y emmener Hiboute plus souvent.

Ma grand-mère n'est pas en train de mourir mais elle en n'en peut plus de vivre. Mon grand-père se met en colère quand elle manifeste cette lassitude, les douleurs permanentes, l'oisiveté forcée, elle qui était si active. Je la comprends, je le comprends lui aussi. C'est indémerdable.

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Aujourd'hui "Bijou bijou" d'Alain Bashung