La complainte des filles de joie
samedi 4 octobre 2014. Lien permanent
J'en ai marre de faire le pied de grue sur l'avenue de la Libération. Les clients regardent le JT et moi je suis déjà plantée là. On est une dizaine à attendre qu'une voiture s'arrête vraiment. Au lieu de ça, ça ralentit, ça mate et ça ricane.
C'était un vrai dur, çui-là. Il m'a fait deux fards et il est r'parti avec les 100 francs gagnés l'tantôt.
Minute ! Aidez-moi jeune homme ! Je vous prends le bras, hein ? Les escaliers de la butte sont durs pour les vieilles putes.
Chaque fois que j'ouvre une braguette, je me revois gamine quand avec ma soeur on s'attaquait aux coquelicots pas encore éclos.
Les pétales étaient fripés comme la toile de parachute des Ricains : seront-ils blancs ? Seront-il rose pâle ? Ou déjà rouge écarlate ?
J'ai été fille de joie cinq ans. Depuis je pleure.
C'est pas tout ça, mais moi aussi, j'aimerais un peu de tendresse. Une petite balade bras dessus bras dessous avec mes jeunes années ou avec toi.
Mais qui, toi ?