Le permis moto

Il y a quelques années, mon frère m'a convaincu de passer mon permis moto. En fait non, il ne m'a pas convaincu, moi je voulais, il a convaincu ma femme que c'était bon pour mon poil ! Bref, après moult argumentations légèrement capillotractées, j'obtiens enfin l'accord du gouvernement de mon épouse. Bingo, je vais enfin réaliser un de mes plus anciens vœux ! Pour tout vous dire, mon grand-père, fana de moto et qui avait participé à quelques courses entre les deux guerres à Montlhéry, m'avait filé le virus bien avant mes dix ans !

Passes ton code d'abord

Je me présente alors dans la même moto-école que celle où mon frangin avait réussi le sien, un poil superstitieux, non ? Je discute avec la secrétaire, qui m'indique les formules, les formalités, et la façon dont ça va se passer. Elle me demande si j'ai un permis, je lui dit que oui, le permis auto, et me demande si il date de moins de cinq ans. Je réponds que non et elle m'apprend que je vais devoir repasser le code ! flûte, c'est un truc que je n'avais pas prévu.

J'en ai bavé avec ce code. Il m'a fallu quasiment désapprendre pour ensuite me remettre dans l'esprit de ces foutues règles. C'est très strict et il ne faut absolument pas chercher à évaluer, argumenter, ou faire des hypothèses. C'est blanc ou noir, rond ou carré, oui ou non. Pas d'improvisation ici. Pour vous dire, la seule fois où j'ai trouvé une exception c'est sur une diapo où l'on voyait une route vide, séparée par une belle ligne blanche, un trottoir avec un piéton en train de marcher et une belle flaque d'eau juste devant la voiture. Et quand je dis une flaque d'eau, c'était plutôt un étang. Je pensais que Tant pis pour le piéton, la ligne blanche est infranchissable, ils me l'ont martelé tant et tant !. Et bien là, bien sûr, il fallait répondre B. Je m'écarte, la transgression est permise dans ce cas là, un peu de courtoisie voyons ! Comme je l'aurais normalement fait en situation réelle, je ne suis pas un vaurien !

Tout ça pour dire que j'ai passé des heures à répondre aux questions, à potasser le code sur un bouquin et même avec un CD sur PC que j'avais acheté à l'époque. Vint enfin le jour de l'examen, avec le trac qui va avec, bien sûr. Ce jour là, le centre étrennait un nouveau système électronique pour enregistrer les réponses, et nous avons alors été muni chacun d'une sorte de petite télécommande très basique. Si mes souvenirs sont bons, il y avait quatre touches intitulées A, B, C et D, une touche Correction et une touche Confirmation, je crois. Quelques dizaines de minutes plus tard, l'examinateur officiel récupérait une à une nos télécommandes et nous indiquait, après avoir enregistré nos réponses dans un ordinateur qu'il avait devant lui, notre score final. Quand mon tour est arrivé, un peu stressé, je lui ai tendu la mienne, attendu un peu et je l'ai entendu me dire : Toutes mes félicitations monsieur, aucune erreur ! Bravo. Yaiiiiiiiisssse, j'allais enfin pouvoir monter sur une moto !

Coccinelle

La moto

Premier rendez-vous avec la moto. Une vraie, une grosse, enfin pour moi à ce moment, une Honda CB 500 pour les connaisseurs, une classique des moto-écoles. Mon moniteur m'emmène dans le garage, m'explique deux ou trois choses et me demande de monter sur la moto qui était devant moi. Une fois installé, … comment vous dire …, je crois que c'est vraiment à ce moment que j'ai réalisé ce que j'étais en train de faire. J'aurai pu arrêter là, j'étais comblé. Manu, le moniteur qui m'apprendra quasiment tout, m'explique ensuite comment démarrer, l'utilisation du sélecteur et de l'embrayage, des divers commodos présents sur le guidon. Puis il se dirige vers le fond du garage en me demandant de le suivre.

Il sort alors une petite 125 cm3, un peu façon custom pour ceux qui connaissent, la démarre et me demande de le suivre toujours dans le sous-sol où nous nous trouvions. Nous voilà, tout les deux, au milieu des boxes du garage. Il m'explique qu'il va falloir que je lui tourne autour, au guidon de la moto, tout en le fixant. Et bien ça n'est pas facile du tout car on a vite tendance à regarder où va la roue avant et conséquence immédiate la moto commence à verser sur le côté. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes, sous les encouragements de Manu, que j'ai réussi à faire plusieurs tours sans poser le pied à terre. C'était ma première leçon.

L'entraînement

Je passerai ensuite plusieurs semaines à m'entrainer sur un terrain aménagé de la banlieue sud de Paris. Il nous fallait une vingtaine de minutes pour nous y rendre et ça m'a donné l'occasion de rouler enfin à moto sur route ouverte. Un vrai plaisir. J'ai appris à slalomer, à éviter des obstacles, à freiner, tout ce qui peut nous éviter la catastrophe une fois lâché sur la route. Je me suis dit à plusieurs reprises, qu'un tel entraînement ne serait pas superflu pour le permis voiture.

Le jour du permis

Le premier jour du permis est consacré à ce qu'on appelle dans les milieux autorisés, le plateau. Il est constitué de quatre épreuves pour lesquelles il faut avoir au moins un B (une seule faute) ou un A (pas de faute). De plus il faut absolument avoir un A à une des épreuves si l'on veut obtenir cette première partie du permis. Voilà planté les conditions, maintenant le décor. Ca se passe le long de l'autoroute de Normandie, pas très loin de chez moi, et j'avais choisi d'amener une des motos qui allaient nous servir afin d'évacuer un peu le stress dont j'étais largement pourvu ce jour là, pendant que les autres suivaient en voiture. Je ne sais pas si j'ai bien fait, je crois que oui.

Coccinelle

La 1ère épreuve technique

Cette première épreuve, qui ne peut être éliminatoire, consiste à faire un petit parcours en poussant la moto autour d'un certain nombre de petits plots disposés ici et là. Puis, une fois arrivé au bout du parcours, sans faire tomber la moto bien sûr[1], on remet celle-ci sur la béquille et commence un petit exposé sur un thème choisi par l'examinateur.

Mon tour arrive et je commence à pousser les plus de 200 Kilos de la machine autour des plots. Pas de pot, je me suis loupé et j'ai fait le parcours à l'envers ! Pourtant j'avais potassé les trois parcours possibles, et j'avais appris par cœur les différents thèmes pour l'exposé. Résultat, un B d'office et l'examinateur m'épargne l'exposé. Ca commence mal !

Le lent

Un peu dépité je rejoins mes collègues de la journée et m'assied sur la pelouse devant le circuit de l'épreuve lente. L'épreuve lente. Une épreuve pas très difficile si on connaît bien sa machine. Il s'agit de faire un parcours autour de plots et de petits poteaux, passer sous une barre ou encore faire des petits virages assez serrés, tout ça au quasi ralenti. Comme si on faisait des manœuvres. Une petite moitié de l'épreuve se déroule avec un passager, normalement joué par un de nos moniteurs. Et bien je peux vous dire qu'ils ne sont pas un poids mort lorsqu'ils sont derrière vous ! Un petit coup de rein au moment opportun et vous voilà sorti de ce fichu virage qui allait se terminer en mikado avec tous les poteaux des alentours. Bien sûr c'est interdit, et bien sûr l'examinateur fait semblant de ne rien voir, et bien sûr on est ravi d'avoir un coup de pouce.

Je m'en suis sorti honorablement, mon passager ne s'est pas fait de tour de rein et n'a pas eu trop peur de nous voir tomber par terre. Un A m'est attribué, le A qu'il me faut absolument. C'est pas gagné, mais jusque là ça va.

L'instant de vérité

Voilà enfin l'instant de vérité, l'épreuve qui fout la trouille, celle qu'il ne faut pas rater. On s'est entraîné pendant des heures pour réussir les différentes variantes. Je vais vous décrire celle qui avait été sélectionné le jour du permis. Tout d'abord, c'est une épreuve qu'on doit faire à vitesse soutenue, c'est à dire que l'on doit démarrer et rapidement se trouver en troisième. Elle commence invariablement par un slalom où il ne faut pas hésiter à balancer la moto d'un côté puis de l'autre. Ensuite un demi-tour sans poser les pieds, pour en ressortir et ré-accélérer pour appréhender le retour qui comporte quasiment à la fin un dégagement (imaginez une portière de voiture qui s'ouvre soudainement et que vous devez éviter). Une fois arrivé à cet endroit il ne reste plus que quelques mètres avant la zone d'arrêt d'urgence où il faut stopper la machine sans bloquer les roues.

C'est mon tour. Je me dirige vers la moto juchée sur sa béquille centrale, avec mes deux jambes qui dansent la samba, mais chacune sur un rythme différent ! Pfff, un trac d'enfer ! L'examinateur me fait signe et sous le regard inquiet de Manu qui avait bien vu que j'étais au trente-sixième dessous. J'enfourche la moto et je la descend de la béquille puis je démarre. première, deuxième, troisième, le premier plot du slalom est déjà là et bien entendu je l'embarque avec moi ! Une faute, je n'ai plus le droit à l'erreur — et en y repensant maintenant, je crois que c'est ce qui m'a libéré pour la suite — et je décide de me lancer à fond.

À gauche, à droite, la moto fait ce que je demande et je me retrouve comme un charme à l'entrée du demi-tour. Pas trop vite, ne pas se précipiter, faire attention quand même, j'ai failli tomber en serrant trop et en ne regardant pas vers la sortie. Voilà, j'y suis enfin, je relance, seconde, troisième, les plots qui délimitent l'accès au dégagement défilent de chaque côté. Un grand coup de rein vers la droite pour basculer la moto et un autre dans l'autre sens quasiment aussitôt pour la ramener et j'en suis sorti, étonné d'avoir réussi. Reste le freinage d'urgence. La zone arrive, je freine fort, je sens que j'ai trop appuyé sur l'arrière et je relâche pour éviter le blocage et finit par m'arrêter avant la ligne finale. Ouf ! Je peux poser les deux pieds à terre.

Ce n'est pas terminé. Il faut encore descendre de la machine et la ramener à l'endroit ou elle était sur sa béquille. Avant que j'ai eu le temps de descendre, l'examinateur m'appelle et me demande si je veux recommencer. Recommencer ? Mais il est fou ou quoi ? Ils n'ont rien vu ? Il me dit que j'ai droit à un deuxième essai vu que j'ai heurté un plot du slalom. Je réfléchis deux secondes et je lui demande ce qu'il se passe si je rate le deuxième essai. Il me répond que dans ce cas, c'est foutu. Ma décision est prise. Je n'ai pas besoin d'une meilleure note, ce B me suffit tout à fait, et je lui répond que je préfère en rester là. Il me demande alors de ramener la moto, ce que je fait avec deux jambes qui dansent la gigue. Pas facile avec une moto de trois fois mon poids !

Il ne faut pas louper la dernière marche

Voilà enfin la dernière épreuve de la journée. Là ça se passe devant l'examinateur et nous devons parler pendant quelques minutes d'un sujet pris au hasard. Je tombe sur le thème des voyages pour lequel il faut raconter les préparations et les précautions d'usage avant de partir, ce qu'il ne faut pas oublier, comment aborder la route, etc. Rien de bien passionnant surtout pour moi qui fait plus de trente mille kilomètres par an en voiture. D'ailleurs il coupera rapidement mon topo voyant que je connaissais mon affaire.

Vient la dernière question. Je l'appelle la vicelarde depuis que l'américain[2] qui passait son permis moto — le sien n'était pas valide chez nous — a raté toute l'épreuve à cause d'une mauvaise réponse à cette question ! L'examinateur me sort l'image d'un panneau et me demande ce que c'est et ce que je fait lorsque je le rencontre. Je n'hésite pas longtemps, le code est encore bien frais dans ma tête, je réponds et entends l'examinateur me remercier. Je ressors fatigué mais content. J'ai réussi la première partie du permis.

Mais qu'est-ce qu'il fout ?

Quelques semaines plus tard, la deuxième et dernière épreuve du permis s'annonce. Cette fois c'est du connu. Un parcours sur route en suivant les indications de l'examinateur qui suit dans la voiture du moniteur. Mon tour arrive rapidement, et je suis scrupuleusement les indications fournies. Arrivé à un embranchement, là ou une route descend à pic, j'entends l'examinatrice me demander de tourner à gauche. Je m'engage prudemment, ça descend vraiment très fort ! Je n'ai pas fait dix mètres que j'entends l'examinatrice pester dans son micro en me demandant pourquoi j'ai tourné.

Hein ? Mais je n'ai fait que suivre ses indications ! Je lui explique et nous finissons par comprendre que nous ne sommes pas seuls sur la fréquence et que les ordres que j'avais entendus ne venait pas d'elle ! On conviendra d'un code, toutes les consignes commenceront dorénavant par le nom de ma moto-école, et nous reprenons le cours de l'examen. À peine cinq minutes plus tard nous nous retrouvons devant les grilles où nous attendent les autres et je me rappelle m'être dit que c'était trop court. J'avais du faire une grosse connerie, mais j'avais beau chercher, je ne voyais vraiment pas où ! En fait non, elle a estimé que cela suffisait et m'a accordé l'épreuve et donc le permis. Saperlipopette, je suis enfin un motard !

C'était il y a dix ans \\o/

Coccinelle

Le papier rose

C'est avec un plaisir non feint que je me suis rendu quelques temps plus tard à la préfecture pour aller récupérer mon permis avec la mention supplémentaire Permis A - Toutes cylindrées. J'avais le projet d'acquérir une moto rapidement pour enfin pouvoir me promener, faire quelques balades, envisager un voyage en Irlande avec mon destrier, mais la vie en a décidé autrement. J'ai toujours cette envie et un jour sûrement je passerai à l'acte.

Les coccinelles

Vous allez me demander : Mais que viennent faire les coccinelles dans cette histoire ?, et vous auriez raison, au moins tant que vous n'aurez pas lu la suite. Le jour où j'ai repassé le code, juste au moment où je sortais de ma voiture pour me rendre au centre d'examen, une coccinelle était venue se poser sur mon bras puis s'est envolée. Le jour où j'ai passé les épreuves du plateau, pendant que j'attendais mon tour, une coccinelle est venue se poser sur ma manche puis s'est envolée. Le jour où j'ai passé la dernière épreuve, sur route ouverte, une coccinelle est venue se poser sur mes gants alors que j'attendais là aussi mon tour, puis elle s'est envolée. Les trois fois la réussite était au bout. Coïncidence ou plus ? À vous de voir …

Notes

[1] Par contre le fait de faire tomber la moto, à l'arrêt ou en circulation est éliminatoire sans aucune possibilité de repêchage.

[2] On l'appelait comme ça, mais c'était en fait un français qui venait de passer dix ans aux États-Unis et qui ne se déplaçait qu'en moto. D'ailleurs toutes les épreuves de la journée n'ont été pour lui qu'un petit moment de plaisir.

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