Ou comment éviter un sevrage affectif douloureux à la séparation.
J’ai reçu bien souvent des conseils avisés, parfois décalés par rapport à ce que je pensais attendre mais rarement comme celui que j’ai eu il y a quelques jours. Sans dévoiler le contenu de cette missive, ce qui pourrait me valoir pour le coup moult déboires judiciaires et j’en ai largement assez en ce moment, je tiens tout de même à apporter mon avis sur ce qui, d’après l’auteur, serait une bonne façon de faire avec les enfants dont nous sommes séparés.
Donc ce monsieur, ou cette dame, après tout je n’ai pas à dévoiler son identité ici — d’ailleurs il ou elle m’a indiqué en préambule avoir choisi le mail pour éviter que ses propos soient mal interprétés s’il ou si elle les déposait au vu et su de tous en commentaire d’un de mes billets — m’apprend que pour éviter toute peine future avec les chiots qu’ils élèvent et dont ils se séparent au bout de quelques mois — pour une très noble cause je vous assure — ils préfèrent ne plus jamais les revoir une fois partis. Donc voilà, une fois le chien éduqué et élevé puis ensuite redonné, parents et enfants mettent leur mouchoir dessus et pensent à autre chose.
Bien évidemment ils trouvent cette méthode à peu près satisfaisante, après tout, ignorer un malheur c’est peut-être le faire disparaître un peu, et considèrent qu’il y a lieu d’en faire tout autant si jamais un ou plusieurs de vos enfants venaient à être séparés durablement de vous. Oui oui. Mettre un mouchoir dessus et attendre que celui-ci veuille bien reprendre contact avec vous.
Deux remarques me viennent à l’esprit à ce sujet. La première est que jamais je ne me résignerai à ne plus voir mon fiston. La seconde est que je trouve un peu étrange cette manière d’élever des gosses chiots et surtout de faire l’amalgame entre ceux-ci et les enfants que nous avons. Je veux juste rappeler à cet individu qu’un enfant ne s’achète pas ni ne se donne à une autre famille, qu’un enfant parti ne peut être remplacé par un nouveau à élever — non ce n’est pas de l’élevage de lapins ou de chiens —, et qu’enfin c’est sans compter sur le sentiment d’abandon certain que peut développer cette pratique chez l’enfant qui serait éloigné.
Donc sachez madame ou monsieur que je respecte votre avis sur cette question, après tout la liberté d’expression est de mise dans notre pays, que vous auriez tout aussi bien pu le déposer ici ou ailleurs, le débat qui aurait suivi aurait été fort instructif il me semble, que je ne répondrai pas autrement que par ce billet — et éventuellement via les commentaires qui suivront — à votre courrier électronique.
Pour la petite histoire, il m’a fallu relire deux fois votre lettre pour me persuader qu’il n’était nulle part question de religion. Curieux je trouve, ce doit être un effet pervers de mon cerveau un tantinet dérangé… Pourquoi diable ai-je cru voir le mot catholique ? C’est grand mystère.
Sur ce, Madame ou Monsieur, je vous souhaite le bonjour chez vous.
Publié initialement en octobre 2008.
1 De jathenais -
Et bien je ponctuerais en disant que je connais fort bien quelques éleveurs qui adoucissent la douleur de la séparation (éleveurs ou éducateurs, d’ailleurs) en prenant des nouvelles de ces bébés devenus grands, parfois même les gardent pendant les vacances, hospitalisations ou autres indisponibilités de leurs maîtres, et portent sur eux un regard attendri, heureux de les savoir en bonne santé, aimés et choyés, et même utiles, y trouvant la force de continuer, d’affronter la tristesse des nouvelles séparations, et la joie de repartir pour un tour.
Le parallèle ne peut se faire qu’en terme de sentiment du devoir accompli, parce que je ne remets pas en cause l’amour que l’on peut porter à ces adorables boules de poils, mais de là à le comparer aux sentiments de cet enfant qu’on a porté (et ça vaut pour les papas et les adoptants aussi, c’est une autre forme de gestation, mais c’en est bien une), qui a fait de nous des parents, qui a besoin d’un peu plus de quelques semaines pour acquérir une autonomie relative, qui est la continuité de ce que nous sommes, et à qui nous avons un peu plus à donner et à transmettre qu’à un animal.
M’enfin, ce n’est jamais que mon avis, et je le partage ;-)
2 De Franck -
T’as raison, mais je ne suis pas sûr qu’ils [le ou les auteurs de la missive d’alors] soient perméables à ce genre d’argument ;-)
3 De Bernard -
Euh, une seule remarque.
Dolto: « Ce sont les enfants qui choisissent leurs parents ». ;-)
4 De Franck -
Bernard ne tourne pas la plaie autour du couteau, vu que j’ai mal choisi les miens — bien que ce soit sujet à contreverse ;-)
5 De Bernard -
Désolé Franck, en écrivant cela je ne pensais pas à toi. ;-)
Je me remémorai ce qu’un ami m’avait dit des pratiques existantes dans quelques groupes de vie: l’enfant est libre de choisir sa famille et peut changer de famille comme il l’entend…. Une image “idéale”, qui doit avoir ses propres problèmes certainement…
Mais c’est vrai que, pour certains (nombreux) enfants le concept même de famille n’existe pas. Leur famille étant celle imposée par les “circonstances”, les lois ou règles de la société dans laquelle ils ont la “chance” où “malchance” de vivre voire survivre.