Orage

Ça sentait l’orage hier soir, quand je suis rentré à la maison, avec des éclairs ici et là, mais pas encore de pluie.

Ça sent l’orage depuis hier, alors que le gouvernement souhaite transférer dans le droit commun l’essentiel des mesures d’exception en œuvre pendant l’état d’urgence et dont la principale, à savoir l’éviction du juge de la procédure, met un terme définitif à l’équilibre délicat des pouvoirs de notre modèle de démocratie.

Il restera donc le législatif et l’exécutif, sachant que le premier est parfois/souvent reflet du second, comme ça risque bien de se produire pour la prochaine législature où le parti du président est en passe de remporter la majorité absolue.

Les contre-pouvoirs habituels n’ont plus de pouvoir que le nom, que ce soit les médias — à l’exception notable de quelques uns — ou la rue, qui, on l’a vu depuis des mois de protestation face aux lois liberticides votées pour soi-disant renforcer notre sécurité (sic) ou encore l’organisation du monde du travail, a été réprimée, parfois très violemment par celles et ceux justement en charge de notre protection.

Pour résumer il va rester un pouvoir qui combinera le législatif et l’exécutif qui aura comme bras armé l’essentiel des forces de police de ce pays ; autant dire que toute contestation est d’ores et déjà malvenue sous peine d’être durement bloquée par ceux dont l’impunité est d’ores et déjà garantie.

Que reste-t-il ? Que nous reste-t-il ? N’est-il pas déjà trop tard ? Peut-on encore user du droit de manifester ? Pourra-t-on encore user du droit de grève ? Assignés à résidence pour les plus virulents, les plus hurleurs dans la rue. Vous pouvez marcher dans l’espace public, mais sans gêner, et en silence, et encore…

L’assignation à résidence, ou lettre de cachet à domicile, où vous vous retrouvez à tenir le rôle du gardien de votre propre prison, à vos frais et sans moyens de subsistance ; la belle idée pour réduire la surpopulation carcérale !

Ô rage, … il reste le désespoir, ou faudra-t-il s’exiler, courber le dos, trouver d’autres moyens…

Que dirons les juges ? Les avocats, tout ceux qui sont désormais spoliés de leurs droits et devoirs de contre-balancer les excès des deux autres pouvoirs fusionnels et quasi fusionnés. L’Europe, cette belle idée, et sa CEDH auront-elles assez de poids et d’influence pour modérer les ardeurs de nos puissants ? Peut-être, mais le temps qu’il faudra pour ça n’est pas compatible avec l’urgence de ce qui se passe aujourd’hui.

Que dira la minorité de ceux qui n’aura pas voté ces prochains dimanches pour les représentants du parti au pouvoir ; pendant que la majorité de ceux qui n’aura pas voté vaquera à autre chose en espérant passer entre les gouttes des prochaines régressions à venir.

L’été qui commence sera, comme tous les autres, soporifique et la rentrée risque d’être très silencieuse, déjà ; à moins que le syndicalisme ne trouve alors un ressort pour reprendre le poids et la place qu’il n’aurait jamais du céder.

Prenez un tabouret — il s’appelle démocratie —, à trois pieds — qui se nomme parlement, gouvernement, justice —, posez-le par terre. Otez ensuite un pied et observez…

Voilà, la démocratie est transformée par la majorité populaire exprimée pendant les votes des élections de cette année. Parce que oui, il n’y a eu aucun coup d’état, aucun renversement de gouvernement, tout ça a été produit par l’usage commun et normal de ce que prévoit la démocratie à travers sa constitution et ses lois.

Et on comprend comment, une démocratie qu’on croyait permanente et peut-être éternelle peut devenir une dictature choisie par la majorité de ceux qui ont exprimé leur choix.

Savent-ils seulement ?

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