Oliv et le bateau - Traversée

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Le passage de la passe nord du lagon s’était passé sans incident et le bateau filait à bonne allure sous les alizés du matin. Oliv, comme convenu, tenait ferme la barre pendant que Pépin s’occupait de vérifier les bras du balancier qui oscillaient sous l’effet de la torsion imprimée par la houle. Anda et les enfants avaient choisi de s’installer tout à l’avant du bateau et s’amusaient de voir les dauphins nager joyeusement au devant.

Ils voguèrent comme cela pendant deux jours et une nuit, jusqu’à cet fin d’après-midi où les dauphins avaient disparus. Les nuages se faisaient menaçant et Oliv comprit que l’épreuve tant redoutée était arrivée. Il demanda à Pépin de s’assurer des caisses de vivres et du tonneau d’eau qu’il avaient emportés. Ils discutèrent ensuite de la meilleure route à suivre pour éviter le gros temps pendant qu’Anda cachait ses enfants au plus profond de l’abri. Oliv réfléchit et dit soudain :
« Tu crois vraiment que nous pouvons passer au large ? Par le sud en contournant ?
– Il faut essayer, de toute façon j’ai peur que la coque ne résiste pas longtemps dans cette tempête ! Répondit Pépin.
– Bien ! Nous ferons cela, dit Oliv en scrutant le ciel. »

Pépin parti border les voiles pour diminuer les tensions sur le mat et la baume. Le vent forcissait régulièrement sans donner un seul instant le moindre signe de ralentissement. Le bateau commençait maintenant à heurter violemment les vagues en retombant. Il fallait les prendre quasiment de face pour éviter le dessalage et Oliv avait du mal à tenir la barre sous les coups de boutoir.

Soudain, alors que Pépin ramenait la grand voile, une vague orientée différemment détourna le bateau et celui-ci pris alors de la gîte. La vague suivante qui semblait une montagne approchait rapidement et il fallait remettre le cap droit dessus. Pépin se précipita et poussa avec Oliv de toute leurs forces sur la barre. Le bateau ne changea pas suffisamment de bord et le choc fût terrible. Le mat sous l’effort se brisa en deux, juste au dessus du milieu, entraînant la voile et le petit foc dans sa chute. Le bateau était maintenant livré à lui-même et s’agitait comme fou sur la houle.

Deux heures passèrent avant que le calme ne revint et ils durent s’agripper les uns aux autres pour éviter de passer par dessus bord. Le tonneau et quelques caisses avaient depuis longtemps disparus lorsqu’une vague, plus forte que les autres, avait balayé le pont furieusement. Trempés mais heureux d’être encore vivants ils contemplèrent le bateau et les dégâts causés par la tempête. Le mat était à moitié penché avec un bout de la grand voile qui trempait dans l’eau. La baume était détachée et gisait de travers sur le pont, retenue uniquement par quelques longes. La barre avait l’air d’avoir tenu, ainsi que le gouvernail, par contre il ne leur restait plus que deux caisses de poisson salé et fumé et toute l’eau douce avait disparu.

Oliv s’assit sur le bord de la coque et se prit la tête dans les mains :
« On ne peut pas continuer, nous n’y arriverons pas !
– À deux peut-être que si, répondit Pépin, mais pas avec femme et enfants, ils ne résisteront pas … »

Pépin avait raison, Oliv le savait bien, et cela marquait la fin de son aventure. Il rangèrent rapidement ce qu’il purent puis réparèrent sommairement le mat à l’aide des ceintures de cuir qu’ils portaient. Cela serait suffisant pour le foc, encore intact, qu’ils fixèrent à la place de la grand voile déchirée. Oliv se mit ensuite à la barre et dirigea le bateau vers le port, d’où ils étaient partis deux jours plus tôt.

Il leur fallut trois jours pleins pour rentrer, heureusement sans rencontrer la tempête qui était partie au nord, et ils aperçurent enfin les lumières du lagon alors qu’ils avaient épuisé leurs vivres depuis la veille. Les ventres des petits grondaient régulièrement, couverts parfois par leurs sanglots. Ils traversèrent la passe à la faveur de la marée et vinrent accoster sur le quai.

Oliv se leva enfin, après que Pépin eut amarré le bateau, et se tourna vers l’océan.
« Je reviendrai, promit-il en tendant le poing, je reviendrai, je t’en fais la promesse ! »


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